Sofiane Pamart: quelques notes suffisent – Check

Sofiane Pamart: quelques notes suffisent

11 décembre 2019

Triple Sept

On vous en parlait déjà il y a près de deux ans, Sofiane Pamart est sans doute le meilleur pianiste du rap français. Alors quand l’artiste sort son premier projet solo (« Planet »), avec ses compositions originales de piano, on est forcément obligé d’en parler. L’occasion de mettre en lumière l’un des talents les plus singuliers du jeu. Interview fleuve signée Triple Sept.

C’est dans l’incubateur de start-up “The Family” que je rejoins Sofiane Pamart, celui qu’on aime surnommer le pianiste préféré des rappeurs français. En plus d’être derrière beaucoup de mélodies dernièrement, comme celle de « Journal Perso II » de Vald ou encore « Matin » de Koba laD et Maes, Sofiane vient de sortir son premier album solo “Planet”. Après avoir tourné aux côtés de Scylla et travaillé dans l’ombre de beaucoup de projet, comme sur le prochain album de Laylow, le pianiste se dévoile en solitaire pour nous faire faire le tour de la Terre et voyager aux rythmes de ses accords.

“Depuis tout petit je me suis dit que je voulais être artiste, que je voulais faire un truc qui sortait de l’ordinaire. Je voulais inventer quelque chose, c’est arrivé très naturellement avec le piano mais ça aurait pu être autre chose”

Triple 7: Comment t’est venu cet amour du piano ?

Sofiane Pamart: Il n’y a que 3 ans de ma vie où je n’ai pas fait de piano, j’ai commencé à 3 – 4 ans en reconnaissant des petites mélodies à l’oreille et depuis ça m’a jamais lâché. Avant c’était plus un jeu d’essayer de refaire les mélodies que j’entendais à la radio ou dans les films. En fait j’ai l’oreille absolue, c’est à dire que quand j’entends un bruit, j’entends le nom de la note. Au début j’ai commencé la musique avec un jouet qui faisait des notes, donc je pouvais les retrouver et quand je suis entré au conservatoire à 6 ans on a eu un piano à la maison. A 17 ans je donnais des cours, les premiers billets que j’ai pris c’était grâce à la musique, en prestation piano-bar ou sinon je donnais des cours particuliers de piano.

Dans la vie de tous les jours, avec ton oreille, ça t’arrives de te sentir agressé par des bruits ? 

L’oreille absolu, ça veut dire que je reçois en permanence des informations, partout où il y a du bruit, de la musique ou des sons. Imagine un monde dans lequel tu reçois 3 fois plus d’information que ce que tu as maintenant, avec l’impossibilité de s’y couper. Donc ouais des fois c’est chiant, c’est pas que cool.

Tu as ensuite commencé des études au conservatoire, comment ça c’est passé ? Tu y a passé combien de temps ?

J’ai 15 ans de formation au conservatoire 

J’ai vu que t’étais médaillé d’or, à quoi ça correspond ? 

Médaillé d’or ça atteste d’un excellent niveau dans ton art. À ce moment là j’étais premier nommé, chaque année il y a des cru de personne qui sont médaillées, là j’avais tout pété, j’étais le meilleur de ma promo. Après la médaille d’or j’ai fait un autre cycle, c’est des cycles pro de perfectionnement qui te permettent de vivre en tant que musiciens, dans le circuit classique.

Je t’ai vu dire que le Conservatoire formait des musiciens et non pas des artistes, à quel moment tu t’es rendu compte que la vie d’indépendant nécessitait d’apprendre beaucoup d’aspects techniques qui étaient nécessaires pour réussir à allier la musique et le business ?

Moi je voyais que le conservatoire nous rendait pas assez offensif et pas en accord avec l’époque dans laquelle on vit. C’est la musique pour la musique, sauf que c’est pas ça qui te nourrit, c’est pas ce qui te permet d’en vivre, et moi je voulais en vivre. Je voulais pas être professeur de piano même si ça me plaisait beaucoup, je voulais vivre de ma musique. Je me rendais compte que le conservatoire ne te donnait pas assez d’armes pour ça, donc j’ai été les chercher moi même.

Tu as complété ta formation avec un master en droit éco-gestion c’est ça ?

Un Master 2 éco-gestion et un MBA sur le management de la musique. J’ai fait tout ça pour comprendre la musique et son industrie. Parce que c’est très secret, par exemple l’édition quand t’es pas du milieu c’est quelque chose qui est super obscur, comme les différents types de contrats que tu peux signer en label. Toute la chaîne de production d’un album, c’est quelque chose que j’ai appris à connaître avec mes études.

Tu as été confronté à des problèmes et c’est ça qui t’as fait t’y intéresser ou c’était en prévision ? 

Il y a plusieurs parcours d’artistes, y’a des artistes ça leur tombe dessus, ils se font niquer et après ils apprennent de cette expérience là. Moi c’était l’inverse j’étais sur équipé quand je suis allé chercher mes premiers contrats. Un profil comme le mien, en tant que pianiste, ça a mis du temps à intéresser des gens, c’est pas arrivé aussi vite que pour un rappeur qui a un petit buzz par exemple, j’ai eu le temps de me préparer.

C’était comment comme expérience ? 

L’école pour moi c’est un peu la cour de récré parce que tu dois pas te battre comme dehors, il y’ a un cursus préparé il faut y participer mais c’est pas comme si il fallait tout faire, le matin si t’es pas en forme c’est pas grave tu vas en cours, tu suis plus ou moins voilà, dehors si t’es pas en forme c’est pas pareil, c’est ta survis qui est en dépend.

Ce qui est super intéressant dans ton parcours, c’est ce parallèle entre le musique et le business, tu as créé ta propre start’up qui relie les deux, est ce que tu peux m’en parler un peu ?

Bien sûr, en plus ici on est à The Family, c’est l’endroit idéal.

Youpiano c’est un clavier pour apprendre à jouer au piano sans passer par le solfège. La start up n’est pas encore sorti mais l’approche c’est : tu joues au piano en suivant des voyants lumineux, t’as pas besoin de passer par un apprentissage théorique. Tu découvres la musique directement par le piano.

Ma philosophie c’est qu’il faut d’abord être dégourdi avant de comprendre. Je suis quelqu’un qui fonce, je me mets dans une situation et après je réfléchis. Et je trouve que cette approche quand tu l’appliques à la musique, elle fonctionne bien. Quand t’as envie de faire du piano t’as envie de tout de suite jouer avec tes mains, t’as pas envie de passer par un autre biais.

On est dans le lancement du projet, on a eu des financements, il y a un ingénieur qui bosse dessus mais en ce moment pour moi, artistiquement ça bouge tellement vite que je veux pas me précipiter là dessus. C’est forcément une force de frappe intéressante sur laquelle je vais m’appuyer donc je préfère continuer à bien m’installer en tant qu’artiste, atteindre cet objectif personnel et pouvoir balancer ça après. En ce moment c’est pas mon projet principal.

Un des points importants dans la construction de ta carrière, c’est ce besoin d’être entouré, qui contraste avec la vision des pianistes qu’on a, tu as passé beaucoup de temps à rassembler l’équipe qui t’entoure aujourd’hui non ?

En fait moi j’ai toujours fonctionné en imaginant une personne en fonction d’un besoin que j’ai et je me débrouille pour la trouver. Après c’est souvent la vie qui me la présente. Par exemple, si j’ai besoin d’une gérante pour ma boite parce que je veux créer un label mais je ne veux pas le gérer, je vais être à l’affût à chaque rencontre que je fais. Petit à petit je me suis constitué mon équipage comme ça, je savais que j’avais besoin d’un manager donc je suis parti en école de management. Je savais que j’allais rencontrer des gens qui pourrait devenir mon manager là bas, et c’est comme ça que j’ai rencontré Guillaume Héritier.

C’est d’abord mon ami mais c’est devenu mon associé, il a racheté la moitié des parts de ma boite pour pouvoir avancer avec moi comme associé et pas simplement en tant que manageur. Moi j’essaye d’aller chercher des gens ultra compétent pour pouvoir compléter mes propres compétences, je préfère des petites équipes qui ont trop la dalle et qui sont castées sur une très grande exigence plutôt que recruter beaucoup de personne. 

Je ne sais pas si tu es adepte de Shonen mais …

One Piece ouais exactement *rires* ! Y’a beaucoup de chose qui me parle de fou dans One Piece. Déjà c’est la constitution de mon équipage en allant sur des îles et en parcourant le monde. T’as besoin d’un médecin, musicien, navigateur, menuisier. Et bah moi j’ai besoin d’un manager, d’une gérante, d’un graphiste. Après je vais avoir besoin d’allié comme un D.O.P qui va venir en renfort. Il y a toutes ces compétence qu’il faut réunir autour de toi.

Le deuxième truc qui m’a marqué c’est que Luffy depuis qu’il est tout petit il dit qu’il sera le Roi des Pirates, et moi je veux devenir le roi des pianistes donc forcément ça me stimule.

On est une génération qui a beaucoup été marquée par cet état d’esprit, qu’on retrouve justement dans ces mangas “Bien s’entourer, s’entraîner et toujours se dépasser pour pouvoir être le meilleur”

Les shonens, on devrait davantage être éduqué à ça, très tôt, parce que ca forge le caractère. C’est une manière d’idéaliser des choses qui se passe vraiment dans la vie. Et ca te donne une exemple de détermination. Par exemple y’a un super beau rapport avec l’apprentissage dans Naruto. Moi depuis tout petit, mon objectif il est aussi simple que dans un shonen, Naruto il sait exactement ce qu’il veut devenir et tu sais très bien qu’il va le faire. Les héros de chaque shonen, ils ont ce point commun d’avoir une obsession qui dirige leur vie. Moi je suis un cliché de héros de shonen. Je veux devenir le meilleur dans ma discipline.

Le rap d’aujourd’hui est totalement inspiré de cet esprit shonen, et cet esprit d’indépendance, tu dois arriver avec ton équipe déjà formée

Et même dans le style, dans les mangas les personnages ils sont grave identifiables et dans les équipe de rap chacun construit son personnage c’est ça que j’adore ! J’ai souvent l’impression d’être un rappeur qui fait du piano.

C’est le besoin d’être entouré qui t’a amené à infiltrer le milieu du rap non ?

Moi je kiffe le rap, depuis tout petit, c’est la musique que j’écoute. J’arrivais avec un savoir que j’avais perfectionné et j’avais besoin d’être complété par des gens qui avait un savoir pour le coup hyper autodidacte. 

J’ai appris le piano avec des maîtres, mais les rappeurs ils ont tout appris tout seul et dans la rue. J’aimais trop ce qu’on avait à s’apporter l’un à l’autre sur ça. Quelque chose qui est complètement hors cursus d’apprentissage et un autre qui est le fruit d’un apprentissage stricte comme le conservatoire 

Comment ça s’est passé, c’est un truc que t’avais en tête depuis toujours de relier ton travail et ta passion du rap ou c’est le fruit de rencontres ou du hasard ?

Je me suis retrouvé rapidement dans ce milieu, j’avais des rappeurs qui m’appelait pour une émission par exemple, et je devais reprendre un de leurs titres. Je devais trouver une manière de faire sonner leur titre juste au piano. On se rencontrait, on était filmé et il fallait faire une prestation artistique en même temps. 

Ça, c’est “En Résidence” ?

Exactement !

On est venu te chercher directement, tu as fait des castings ou c’était un de tes contacts qui t’as mis sur le projet ?

C’était une collaboration avec la Web TV “3èmeGauche”. On est venu me chercher sur internet. Sur les réseaux j’avais balancé des petites vidéos, j’envoyais des signaux clairs sur mon intérêt pour le rap donc j’en rencontré un premier rappeur et ça s’est bien passé ! Le premier c’était Gael Faye après il y a eu Sadek …

https://youtu.be/H9e5jstT__Y

Ça m’a permit de rencontrer beaucoup d’artistes, avec qui j’ai plus ou moins partagé une aventure. Médine j’étais là pour son premier Olympia et pour son premier Zénith. D’ailleurs Din Record, leur coté collectif il est grave inspirant. Ils ont la même notion d’équipage que moi. J’ai trouvé ça trop bien d’avoir des modèles chez mes aînés. 

T’as rencontré beaucoup d’artistes autour de ce concept, comme le S-Crew, Seth Gueko, Médine ou les Psy 4 de la rime, qu’est ce que tu retiens de cette expérience?

Ça a été un réel accélérateur de rencontres. C’était la première fois que je travaillais avec des artistes de ce gabarit, c’est le moment où j’ai commencé à rencontrer des gens qui font des millions de vues.

Et c’est là que tu as rencontré Scylla, même si la vidéo n’est jamais sortie, non ?

Je rencontre plein de rappeur dont Scylla, mais c’est le seul que j’ai vu avant l’émission, les autres je les voyais directement le jour du tournage. Scylla c’est quelqu’un qui est très perfectionniste, qui prépare vraiment ses choses, et en ça il a une approche très proche du côté classique où tu vas travailler des frappes millimétrées. On s’est tout de suite dit que quelque chose se passait entre lui et le piano et qu’on allait essayer de pousser le délire plus loin. Mais ce n’était pas en une émission qu’on allait arriver à avoir ce qu’on voulait faire tous les deux, donc on a préféré directement partir sur de la composition.

Depuis vous avez entretenu une relation particulière tous les deux ?

Avec Scylla ce qui était fort c’est que c’est la première fois qu’il y avait une collaboration en featuring entre un pianiste et un rappeur. On a vraiment voulu faire un duo, alors que je ne suis pas rappeur. Et maintenant on remplit des salles juste sur du piano voix. C’est parti de quelque chose qu’on a créé à deux. Quand tu rentres dans le monde de l’entrepreneuriat tu comprends rapidement qu’un produit répond à une demande. Là on a fait une offre en créant la demande. Et vu que la demande n’était pas identifiée, tu peux pas vendre ça facilement à un label.

Vous avez maintenant une relation qui a largement dépassé le stade professionnel, vous vous rencontrez tous les dimanches pour parler création, c’est quelqu’un qui est devenu super important dans ta construction personnelle

On a une relation vraiment équilibrée, on s’est autant apporté l’un à l’autre. Aujourd’hui on est arrivé à un tel degré de compréhension de l’autre qu’on n’a même plus besoin de beaucoup se parler pour se comprendre, humainement et artistiquement. En même temps on a fait plus de 30 morceaux ensembles. On a vraiment poussé le délire super loin. La leçon de notre collaboration, c’est que tous les deux on a créé un univers : Pleine Lune.

Dans ton nouvel album “Planet” on retrouve que des morceaux où tu es seul avec ton piano. Il est sorti 22 Novembre, est ce que tu es content des retours que t’as eu pour le moment, comment s’est passé la sortie ?

J’ai de très bons retours, beaucoup de soutiens des artistes, des médias du public …  Après je suis très ambitieux donc je suis pas satisfait parce que je vise c’est encore tellement loin.

T’es pas satisfait en terme de reconnaissance ou de chiffres ?

Non la reconnaissance moi je l’ai, c’est surtout en terme d’audience. Je veux être le pianiste le plus écouté dans le monde, donc pour pouvoir le devenir il faut que ça grossisse vite.

Est-ce que justement, c’est cette volonté d’être écouté mondialement qui t’a fait retourné au 100% piano, sans aucune barrière de langue

Exactement, moi je veux travailler sur l’international. Je continuerais toujours à avancer avec les rappeurs francophones, parce que c’est une direction que j’ai prise et qui me fait kiffer. Je veux continuer à aller chercher des certifications avec eux. Mais dans le piano c’est une autre démarche, c’est ma démarche personnelle. Donc le premier critère c’est l’international. J’ai les premiers signaux, c’est pas encore très marquant mais vu que j’ai fait un album avec des destinations comme nom de morceaux, je commence à recevoir des messages de cubains “putain la havane c’est trop comme chez nous”, pareil avec des coréens et “Séoul” et ça je suis trop content que des personnes qui ont grandi dans un lieu se retrouve dans un morceau que j’ai inventé pour cette destination.

D’un point de vue purement stratégique, il y a ce côté “je veux prendre le monde” alors je le montre dès mon premier album. Après si tu parles d’un côté inspiration, c’est forcément des endroits qui me parlent beaucoup, j’ai été partout sauf en Alaska. Il y en a que j’avais déjà visités et qui m’avaient marqués, et d’autres où je suis parti directement pour enregistrer ou tourner un clip dans le cadre de l’album.

Tout à l’heure tu disais ne pas trop aimer être seul, comment ça se passe dans le processus créatif d’un album comme Planet, où tu es le seul artiste ?

En fait, il n’y a qu’une personne qui intervient c’est Guillaume. Je pense que pour créer sa musique il ne faut pas demander beaucoup d’avis. Parce que sinon on reçoit des avis divergent qui peuvent influencer le processus de création. Pour moi les retours ils ont le droit d’arriver qu’une fois que l’oeuvre est créée, à la fin. Quitte que ça m’influence pour le prochain cycle, mais quand je suis en train de créer en solo, je prends aucun avis. 

Dans la vie en général, si il y a un truc que j’ai appris avec la musique où l’entreprenariat c’est qu’il faut faire les choses, et après en tirer les conclusions et pas l’inverse.

Le dernier projet que tu as sorti c’est Pleine Lune 2, qui au contraire est rempli de featurings avec des rappeurs qui viennent compléter ta musique et celle de Scylla, on peut y retrouver Lord Esperanza, Lonepsi ou encore l’Or du Commun. Dans la suite de ta carrière on peut imaginer des mixtapes où tu rassembles des artistes autour de ton piano ?

Je vais faire plein d’albums de piano solo, et à côté de ça je vais faire plein d’albums “événement”, dont des albums de collaborations ou d’autres style carrément, là je suis en train de préparer des trucs avec des artistes autres que des rappeurs.

Tu n’es pas surnommé « le pianiste des rappeurs français pour rien », on peut te retrouver dernièrement sur des morceaux comme « Notes de Piano 1&2 »  aux côtés de Rémy, d’Hugo TSR sur Rei, Journal Perso II de Vald ou encore dans l’album Safar de Naar.

Comment tu travailles par exemple sur un Journal Perso 2 où tu es crédité en tant que “arrangement piano” ? 

Alors pour Vald, on a co-composé le track avec Seezy, j’ai fait la même chose pour Matin de Koba & Maes. C’est toujours la même recette on est ensemble en studio, et on s’apporte mutuellement avec le beatmakers, les mélodies, les harmonies c’est des trucs que je maîtrise bien. Dans Journal Perso II par exemple il y a beaucoup d’envolées, et après il a  tout le savoir faire de timbre et de rythmique dont je m’occupe pas parce que je ne suis pas un expert.

C’est quelque chose qui pourrait t’intéresser de passer de l’autre côté, en tant que beatmaker ?

Non pas du tout, moi j’ai une mentalité dans la vie, c’est d’être le meilleur quelque part, et pour ça il faut accepter que y’a des endroits où d’autres sont meilleurs que toi. Donc je préfère être le meilleur qui travaille avec les meilleurs, plutôt que d’être sur plusieurs choses et de ne plus être le meilleur. Moi je bicrave des mélos aux rappeurs et beatmakers, c’est tout.

Y’en a d’autres des morceaux sur lesquels tu as participé dernièrement ? Des collaborations qui t’ont marquées ?

Ouais, Laylow ! C’est vraiment ma rencontre coup de coeur de cette année. On s’est rencontré en studio et depuis on se quitte plus. Je suis très présent sur son prochain album, ce qu’il fait il y en a qu’un qui peut le faire et c’est lui. Avec sa clique ils sont en train de créer le futur. J’ai commencé à bosser avec eux sur un morceau qui s’appelle “Casting”, pour la mixtape “La Relève” de Deezer. 

Tu vois Laylow c’est quoi son attitude “Un piano ? Nan c’est pas assez digital” moi je suis arrivé avec mon piano et ça l’a touché. J’étais en contact avec Dioscures qui s’occupe de tout son univers musical. Le premier morceau qu’on a composé ensemble c’était donc Casting et Laylow a pété un câble dessus. 

C’est devenu plus qu’une amitié parce que tout son entourage, c’est trop beau de les regarder bosser, ils ont qu’une obsession c’est le monde digital. C’est comme ça que des courants musicaux se créent. Et je pense sincèrement que le futur du rap, c’est Laylow. 

C’est important pour toi d’apporter une touche organique à des prods?

Ça dépend, quand je compose c’est soit un mélange d’un instrument acoustique dans un univers digital, comme si t’avait un vestige de l’ancien qui se retrouve dans le moderne. Mais je peux aussi donner une âme aux machines, dans ma composition, je peux travailler sur d’autres claviers qu’un piano. De temps en temps c’est moins marquant parce que c’est pas le son d’un piano, mais je compose avec d’autres sonorités.

Aujourd’hui on est à une époque où n’importe quel beatmakers peut séquencer une boucle de piano, t’en penses quoi de ça toi ?

C’est un instrument ! Chacun trouve sa manière de faire, moi je les vois tous créer, ils sont à tâtons avec leur souris, c’est juste que ça passe par un ordinateur, qui le temps de cette création devient un instrument de musique. Faut imaginer que c’est un instrument comme un autre, faut pas voir ça comme un simple clic. L’ordinateur c’est le dernier instrument de musique qui a été inventé.

Et est ce que y’aura toujours de la place pour des instruments physiques ?

Ouais je pense qu’il y aura toujours de la place mais c’est aussi à chaque instrumentiste de savoir se réinventer avec le monde qui l’entoure, et donc le digital maintenant. Mais imagine quelqu’un qui dédie sa vie à phraser les mélodies juste avec un instrument, tu pourras jamais égaler ce savoir à l’aide d’une machine.


Il y a un rapport très particulier avec le piano voix dans le rap français, on y retrouve toujours beaucoup de mélancolie, c’est souvent une porte ouverte à la réflexion pour l’artiste et l’auditeur, comment tu expliques cela ?

Quand t’es un rappeur, t’as l’habitude d’avoir des grosses prods derrière toi, avec beaucoup d’instruments, d’un seul coup tout se vide et tu te retrouves juste avec l’harmonie et le chant. C’est ce qui se passe avec le piano, il a la capacité de tout pouvoir faire tout seul, on peut faire de la mélodies, des accords, de la rythmique, on peut tout faire. Mais ça reste quand même très vide et épuré par rapport à une prod remplie d’effet.

Forcément ça crée une sensation de mise à nue, et c’est cette sensation qui fait qu’un artiste va s’exprimer de manière beaucoup plus introspective. Et l’auditeur directement il a l’impression d’être beaucoup plus proche, que l’artiste n’est pas protégé derrière des choses, c’est ce qui crée cette proximité. Et c’est pour ça que c’est un genre qui a existé et existera toujours. Parce que c’est un moment, dans la carrière d’un l’artiste, où il offre quelque chose de beaucoup plus intime. 

C’est très rap français comme discipline non ?

Le piano-voix à l’international, c’est plus dans la pop qu’il est très utilisé. Y’a beaucoup de reste des années 90-2000 dans cette discipline, mais on peut aussi faire du piano voix moderne, avec de l’autotune. En France, on a un rapport très proche avec la chanson à texte qui est revendiqué par tous les rappeurs.

Quand tu regardes les interviews de rappeurs j’ai l’impression qu’il y a un rapport très décomplexé par rapport à la chanson française aujourd’hui

C’est ça ! On a un énorme patrimoine là dessus en France. Brel, je le revendique fort, Barbara aussi. Y’a une nostalgie de cette époque qui était l’âge d’or de la chanson à texte française qui fait qu’on s’en remettra jamais, donc ça fait du bien qu’on reste toujours avec un pied dedans. 

Justement, on assiste depuis quelques années à une renaissance de la chanson française avec plein de groupes qui commencent à s’imposer, on te contacte pour travailler aussi dans ce milieu ?

Carrément ! Je ne suis pas cantonné au rap, je peux pas encore te citer tous les noms des gens avec qui je travaille, dont les morceaux ne sont pas encore sorti, mais ce qu’on voit sur internet c’est que la face visible de l’iceberg. En vérité je suis vraiment actif dans différents milieux, mais il y a toujours un décalage entre ce que tu fais et ce qui sort. 

Pour finir, est ce que y’a des artistes avec qui tu rêves encore de collaborer ?

Ouais, Booba. Dans le rap si je devais citer un nom ça serait lui sans hésiter.

Un bon piano comme petite fille ?

Exactement, je valide très fort ce qui a été fait sur ce morceau, j’étais jaloux mais Dany Synthé il a fait grave le taff ! C’est typiquement le genre de morceau que j’aimerais composer avec lui.

Interview et crédits photos: Le Triple Sept

Triple Sept

Quand il ne met pas à jour sa belle playlist ("La Ligne 12"), Tim alias le Triple Sept ou 777 fait de la vidéo et des articles de qualité pour Check.