Une soirée dans la TrapHouse la plus américaine de Belgique – Check

Une soirée dans la TrapHouse la plus américaine de Belgique

18 juin 2018

Thomas Haulotte

On a passé une soirée dans une cave avec un mob d’artistes. Représentants de la « new wave », ils suivent le mouvement des Etats-Unis. Codéine et blunts qui tournent, on va essayer de rester clair.

Vanderkindere, un samedi. Dans les beaux quartiers de Bruxelles, la nuit tombe. Tout paraît calme, mis à part quelques jeunes allant chercher leur breuvage magique au night du coin.

J’arrive à l’adresse indiquée, une belle maison de maître. L’intérieur est du même acabit, il ne manque que le renard empaillé sur la belle cheminée. L’hôte m’indique le chemin vers la cave. Le bruit des grosses basses m’aurait suffit pour trouver, cela dit.

Je descend et dans un nuage de fumée, on me fait les présentations. En tout, au moment où j’arrive, une dizaine de personne sont posés dans les canapés, bougeant la tête au rythme du bpm envoyé par Soviet Kalu aka Alphonse Karr. Des gros blunts tournent, des substances pas toujours identifiées dans les verres, je vous laisse imaginer les gouttes de sueurs sur le front de l’hôte du soir. Il m’expliquera que ses parents lui ont laissé la maison pour la soirée, mais qu’il ne s’attendait pas vraiment à ça. Et dire que 3 heures plus tard, la population de cette cave avait triplé. Bref.

Pas mal d’artistes plus ou moins connecté au game bruxellois, aux origines variées: la capitale donc, mais aussi Liège et même Libramont (miskine).

La trap est américaine, les styles sont millimétrés. Ta grand-mère serait extrêmement choqué par cette jeunesse en décadence. L’ambiance monte d’un cran lorsque le DJ du jour lance sa dernière exclu, une maquette à lui où on entend poser KuntaPhilippe Plein j’veux du Phillippe, j’arrive silencieux comme Billie Dove” . Les autres n’en reviennent pas: “C’est toi qui rappe la ? Arrête j’y crois pas. Enfoiré ! Tu me chauffes”. Autant vous dire que les dreads colorés se balancent aux quatre coins de la pièce. Je les laisse se prendre en selfie en train de pull up pour aller discuter avec Jean, le grand frère de la bande.

Y’a une vraie connexion entre nous, on est sur la même longueur d’onde. A la base j’ai rencontré Nate et Vince et de là, petit à petit, le mob s’est formé. On est potes mais y’a un truc en plus, un mood artistique. Y’a pleins de gens qui font de la musique ici, mais d’autres sont dans les vêtements par exemple. Moi je veux me lancer dans le business, entreprendre des projets, ramener de l’argent. L’ambition est la même pour tout le groupe, dans des secteurs différents. Tout le monde a un potentiel ici et le truc c’est que si on monte, on monte ensemble”.

C’est le moment que choisit Geeko pour arriver avec tous ses gars. Il vient de se lancer officiellement dans le jeu avec son premier clip Mood. Putain d’merde negro, tu sais bien que c’est le fameux Geeko, j’ai mon putain d’gun sur ta putain d’gueule negro” “J’suis qu’un débile tu le sais ma douce, mais tu m’veux car je sais rider ton boule”




Alphonse Karr, on en parlait plus haut, c’est le DJ du mob. D’ailleurs si vous vous demandez en quoi consiste exactement leur mob, c’est normal. Moi aussi. J’ai donc demandé, c’est une groupe de pote sur la même longueur d’onde artistique, qui se donne de la force. Sans être un collectif. Sans vraiment porter de nom. Vous suivez toujours ?

Mais revenons au DJ. C’est en fait un beatmaker passionné de trap américaine et il voulait quelque chose de plus après des années à observer. “Je me suis rendu compte de ce côté du son en voyant les producteurs d’Atlanta qui sortaient un peu de l’ombre. J’ai commencé à regarder des tutos, cracker des logiciels… Comme tout le monde en fait. J’aime beaucoup ce courant alternatif du rap en ce moment, un peu punk/rock. $uicideBoy$ ou XXXtentacion par exemple. Et puis ce délire de basse saturées, le côté intense, les sons courts un peu sans structure précise, avec beaucoup d’énergie.”

En tant que DJ, il a récemment fait la première partie de Nusky & Take a Mic et suit également Kunta sur scène.

Kunta, parlons-en. Beaucoup d’espoirs sont placés en lui par le reste du groupe. Sauvageboy par exemple: “Pour moi, s’il continue sa Wave là, c’est celui qui peut percer. Ce gars là a un potentiel de ouf, il a une vraie vibe”.

C’est peut-être le plus ambitieux du groupe. Son délire, c’est la wave. “Ca représente la musique. C’est comme à la mer, t’as des petites vagues, des plus dangereuses. Moi je suis le jeune surfeur, le gars qui va dompter toutes les waves. Je veux ramener ma propre wave, j’essaye d’être différent de ce qu’on voit aujourd’hui.”

https://www.youtube.com/watch?v=WVIsq9SG30s

« La musique nous a rapproché, l’amour qu’on met dans le rap a établi une confiance dans le mob . On a les mêmes influences, les nouveaux rappeurs d’Atlanta. Ca pull up. C’est une inspiration pour nous tous, on veut ramener ça ici et même faire mieux. D’un côté moi je suis là-bas, dans mes flows, dans la musicalité. Et dans mes textes je suis ici, je parle de ce que je vis. En tout cas j’espère qu’un jour je pourrais me dire que j’ai plus à m’inquiéter grâce à la musique, là j’aurai réussi. Je veux arriver au sommet.

Contrairement à une majorité de jeunes d’ici donc, leurs inspirations viennent directement de la source, de là où ça a commencé. Atlanta, Chicago,… Et c’est sans doute là que réside un potentiel, ils décèlent les nouvelles tendances avant beaucoup de monde, ils peuvent arriver avec une longueur d’avance sur le reste du game. Ils amènent quelque chose de nouveau dans le rap francophone, reste à voir si le public suit. Dans tous les cas, la relève de Lil Yachty & co vient de se faire virer de la cave. On commençait à étouffer ici, l’hôte du soir qui était devenu tout blanc a craqué. La soirée continuera au Bloody Louis pour la majorité du mob… Nous on s’arrêtera là.

(Crédits photos: Renaud Héritier)