On a pris le train de Liège avec Venlo et Dee Eye (et c’était plutôt cool) – Check

On a pris le train de Liège avec Venlo et Dee Eye (et c’était plutôt cool)

4 juin 2018

Thomas Haulotte

Venlo a l’habitude de faire ce trajet, alors pour lui tenir compagnie on s’est dit qu’on allait embarquer à bord avec lui. L’occasion de parler de Sang Froid, premier projet solo du plus grand rappeur belge (au moins par la taille), de ses ambitions et de sa collaboration avec le producteur Dee Eye, aussi présent.

« Bruxelles c’est le bureau, Liège c’est la maison comme dirait mon pote Absolem” – le ton est donné. Venlo aka Peter Crouch ne renie pas ses origines. Il est 16 heures, on se retrouve sur les quais de Bruxelles-Nord. Direction Liège pour un concert au Kultura où il viendra présenter pour la première fois son nouvel album en première partie des Bawlerz du 77.

Une heure de trajet qu’il connaît bien, lui qui a un pied dans chaque ville, 1 heure de discussion où j’apprends à le connaître. De l’humilité, de la détermination et surtout beaucoup de reconnaissance pour les gens qui l’ont aidé dans son parcours.




Dee Eye et déclic

Venlo aime bien prendre le temps. Panorama, son dernier clip sorti en juin 2016, annonçait un projet à la fin de la même année…  Léger retard. Au moins lui n’a pas changé de blase.

« J’ai vraiment essayé d’enregistrer un projet, chez Phasm. Mais j’étais pas prêt. Je kiffais, mais j’étais jamais vraiment satisfait. Puis j’ai rencontré Dee Eye, via Hesytap d’abord. Je trouvais ses prods folles et on a décidé de voir si on pouvait faire quelque chose ensemble. On a enregistré Hiroshima, Story et Reflet en très peu de temps, là on a compris qu’il se passait quelque chose. Il a une vraie importance pour moi, pour mon évolution”.

Dee Eye enchaîne: « Il me laisse ma liberté et mon originalité, il y a une entente naturelle entre nous deux. Et puis cette magie de monter ensemble, c’est quelque chose en plus que de juste vendre ses prods à un rappeur connu. On se fait évoluer l’un l’autre.”  Véritable bromance artistique déjà présente de ce projet, mais “on sentira vraiment ça dans le prochain projet, qui est déjà bien avancé. Sang Froid c’est l’amorce”. Espérons juste qu’ils augmentent un peu le rythme… “(rires) Normalement c’est bon, la machine est lancée !” – il le dit dans son titre Yeux Gris: « Avant j’avais jamais cet appétit.  Ça c’était avant, là j’ai tapé sprint, rattrapé ma chance. Je compte plus jamais lâcher prise« .

Une histoire de rencontre

 « Mon cheminement est fait de rencontres, d’étapes” La dernière en date est donc Dee Eye. Avant ça, il y a bien sûr eu Hesytap Squad. « Slyder et Absolem m’ont tout appris. Je n’avais jamais vu des gens rapper comme ça, c’était presque décourageant. Ils étaient plus jeunes que moi, mais tellement forts. On freestylait partout ! À Liège, sur la place des Carmes, il y a longtemps eu des grands rassemblements de rappeurs et c’est là qu’on a fait nos armes. Aujourd’hui, c’est mes meilleurs potes, on a fait toutes les conneries ensemble et je suis éternellement reconnaissant de la manière dont ils m’ont aidé.”

Phasm est la deuxième rencontre importante: « Avec lui j’ai découvert l’ambiance studio, il m’a aidé à me professionnaliser dans mon travail”.

Si on n’a plus vraiment pu le voir en solo, il n’a pas dormi pour autant. Il suit Hesytap un peu partout en Belgique et est aussi le backeur de Convok. Et déjà une belle carte de visite: Les Ardentes, Dour, une scène à Paris, en Angleterre…  « Ça m’a permis de prendre confiance en moi, de voir que je peux donner du plaisir aux gens avec ma musique. La plus belle scène pour moi, c’était à l’Incrock avec Convok. Il y avait 3 ou 4000 personnes, c’était super chaud. À ce moment je me suis dit: il faut que ce soit pour moi ! Et puis le concert qu’on a fait ensemble au Sénégal était incroyable, c’est la plus belle expérience que le rap m’a donnée jusqu’à présent.

Une autre étape de sa carrière, c’est le Six O’Clock Gang. Tout part d’une invitation de Slice of Pie pour un festival en Angleterre. « Le festival Boom Bap. On était une belle bande, on s’est trop marré. On est devenu ami, on a passé beaucoup de temps au Studio 87 et on a fait deux scènes (ndlr: L’Archipel et le VK), c’était un sacré bordel. C’est mes potes, mais aussi ma source d’inspiration, c’est eux que j’écoute le plus”.

On en a beaucoup entendu parler du délire à Bruxelles sans forcément comprendre en quoi ça consiste. Dee Eye m’explique: « C’est exactement ça qu’on cherchait en fait. Le délire Six O, c’est l’exclusivité: si tu veux nous voir, écouter nos sons, c’est une ou deux fois par an. On a fait pas mal de morceaux, mais tu ne peux pas les trouver sur internet. C’est aussi la spontanéité: se retrouver à 2 heures du matin en studio et faire ce qu’il nous passe par la tête. On fait ça pour s’amuser.”

Indépendant

Venlo travaille en famille, avec quelques potes qui l’aident à s’organiser « Je suis totalement nul pour ça, heureusement qu’ils sont là”. Encore aux études, il se donne tous les moyens pour réussir. Ça passe aussi par des jobs d’étudiants très loin des strass du rap. « J’ai passé 6 mois dans un foutu call center à prendre les appels pour financer mon projet”. Ses efforts payent aujourd’hui avec un rendu propre et des clips esthétiquement très réussis. “Grâce aux tontons qui ont réussi aujourd’hui, on se dit qu’on peut vivre de la musique, c’est un rêve. Et eux nous soutiennent”




Le premier aboutissement de ce chemin parcouru est un projet cohérent, déjà mature. Entre ambition et tranquillité, entre technique et flyance, Venlo remplit parfaitement les codes de l’époque sans faire l’erreur de s’enfermer dans une case. « N’analyse pas Venlo, son délire est personnel’. Il a pris son temps dans l’ombre, à observer et apprendre, il vient aujourd’hui prendre sa place et marquer sa différence.

Arrivé à Liège-Guillemins, le soleil tape et le ciel est bleu. On marche, on continue à discuter. On passe près de chez lui, puis on traverse la Meuse pour finalement arriver au Kultura. Il salue tout le monde, le sourire aux lèvres. Ce soir, c’est chez lui. Liège, c’est vraiment la maison.

(Crédits photo: Renaud Héritier)