Si Sneazzy fait le ”V” de la victoire, c’est parce qu’il a réussi un joli coup de comm – Check

Si Sneazzy fait le ”V” de la victoire, c’est parce qu’il a réussi un joli coup de comm

18 avril 2018

Yerim Genono

Raccourcis honteux, vannes lourdes, plume et arguments rouillés… autopsie d’une imposture d’un article franchement pas nécessaire, suivi d’un florilège de « punchlines » à gerber lues dans « Si Sneazzy fait le V de la Victoire, son rap pue la défaite”, le dernier article de Konbini. Un titre affreux mais à la hauteur du contenu de l’article, au moins c’est cohérent. Il est temps d’en finir avec ce média putassier, pour le bien d’internet, du rap, des hommes, des femmes, et de tout ce qui respire sur cette planète.

On ne va pas refaire l’historique d’une réputation peu glorieuse, mais pour faire très court, prenez Entrevue, mélangez avec BuzzFeed, et ça donnera Konbini. Tout ce qui peut générer du clic est bon à prendre, y compris quand ça risque de provoquer de jolis bad buzz. Le pire, c’est que les étranges personnes qui font Konbini s’intéressent de plus en plus au rap, et le font avec la même pertinence que les Inrocks (en gros imaginez Sarah Fraisou parlant de mécanique quantique). Ceci dit, la rédac reste cohérente avec son lectorat, qui ne mérite clairement pas mieux.

On a tendance à définir Konbini comme une plateforme “d’infodivertissement”, un concept qui revient à passer d’un sujet sur Bachar el-Assad à la parodie porno de Dragon Ball Z sans transition. Quand il s’agit de rap, même chose, un fourre-tout qui passe d’un freestyle d’A$ap Rocky sur du Three Six Mafia à “Roméo Elvis est un ovni”, on revient à ce qui est dit quelques lignes plus haut : tout ce qui peut générer du clic est bon à prendre.

Le reproche régulièrement fait à Konbini est de se positionner à mi-chemin entre l’organe de presse et l’agence de communication, ce qui pose un réel souci quant à la teneur des contenus proposés quotidiennement. Pour être plus clair, prenons donc l’exemple de Sneazzy.




13 avril 2018, le rappeur balance le clip de « V », un titre pas franchement marquant – c’est Sneazzy, en même temps – mais qui n’a rien de plus dégueu que ce qui est publié chaque vendredi dans le rap français. En somme : un morceau quelconque d’un rappeur quelconque, a priori personne n’en a rien à foutre, et les contenus des quelques news des habituels sites spé démontrent qu’il ne se passe absolument rien avec ce morceau. Quatre jours plus tard, Konbini se réveille, et publie cet horrible article dont il est question ici : non seulement les fans de Sneazzy – c’est étrange, mais ils existent – entrent en cyberwar contre Rachid Madjoub, auteur du papier, mais en plus, même ceux qui n’en ont absolument rien à foutre de ce rappeur – à peu près toute la population mondiale, donc – se sentent obligés de le défendre, tant l’article est à charge. Ce qui est d’autant plus con sur le principe que toutes les autres publications de Konbini à propos de Sneazzy sont bourrées d’éloge, ce que l’on pourrait interpréter comme la preuve que personne à la rédac n’avait écouté aucun de ses sons avant cette semaine.

On peut parfaitement être de mauvaise foi en écrivant un article de presse, à plus forte raison quand on parle de musique, qui reste un divertissement dont les enjeux restent très légers -les deux connards auteurs des lignes que vous êtes en train de lire en sont la preuve la plus évidente -. Il faut cependant savoir raison garder : sans un minimum de second degré, la mauvaise foi devient une haine pure et dure qui ne ressemble à rien d’autre qu’à de l’acharnement. Il aurait presque été moins insultant de publier la tracklist du dernier projet de Sneazzy accompagné de photos d’étrons en guise de description de chaque piste, que d’écrire “tout le reste est à jeter, du flow de dernière classe aux paroles sexistes et misogynes qui éclaboussent de vomi un rap français qui n’en a pas besoin” (putain Rachid, sérieux ?).

D’ailleurs pour le fun, florilège des grands moments de l’article « Si Sneazzy fait le V de la Victoire, son rap pue la défaite” :

Autopsie d’un artiste imposteur indésirable

Alors le truc de barrer un mot, c’était déjà naze comme gag au collège, donc si tu dois l’utiliser, faut vraiment que ce soit justifié, marrant et/ou super bien trouvé. Et jamais en intro putain.

Il est temps d’en finir ce rappeur perturbateur, pour le bien des femmes – et du rap français.

Un agitateur, un perturbateur, un animal. Sérieux ce dégénéré va presque réussir à nous faire aimer Sneazzy (et dans cette phrase c’est « presque » qu’il faut retenir).

« Si je demande ta main c’est pour que j’me branle avec »

Cette phrase a vraiment dû révolter l’auteur parce qu’elle sera citée trois fois dans l’article et on ne sait pas bien pourquoi.

Jusqu’à ce que ce soit le morceau de trop. Les paroles vides de trop. Les punchlines merdiques de trop

Là des esprits taquins ont noté que si on remplace « morceau » par « article », ce passage marche nickel pour Konbini.

Rouge est le carton après une énième rechute dans l’absurdité d’un personnage schizophrène qui peine à se trouver une vraie identité, tant la sienne n’est que vent et fumée.

On reconnaît le gros fan de Booba à la tournure de phrase inversée « rouge est le carton », c’est choupinou. La chute sur l’identité qui « n’est que vent et fumée » aurait pu être cool mais si tu fais venir du vent sur de la fumée il ne reste plus rien ; probablement que le mec a juste pensé que c’était stylé d’additionner les expressions « c’est du vent » et « écran de fumée » sans en comprendre le sens, du coup on ne peut même pas lui accorder de point.

La pièce de théâtre, jadis street et bien réalisée, perd finalement de sa crédibilité pour se ranger dans les nombreuses cases que Sneazzy donne maladroitement à son image.

« Pièce de théâtre, jadis street et bien réalisée ». Donc c’est là qu’il faut se souvenir que Sneazzy a surtout marqué l’histoire du rap français en devant expliquer dans plusieurs interviews que non, il ne portait pas de string dans le clip La Suite. Et que beaucoup de gens ne l’ont pas cru à l’époque.




C’est en caisse rutilante que l’ancien membre de 1995 finit par rejoindre « son » quartier, s’affichant en fourrure devant les barres d’immeubles. Ces mêmes HLM desquels n’importe quel mec déguerpirait au quart de tour s’il avait assez d’argent pour se permettre un tel jouet à quatre roues.

Kevin, 11 ans, découvre les paradoxes de l’esthétique rap.

Un rap où Alkpote s’est créé un solide personnage, où Booba a des classiques à son actif, où Damso a une plume aussi aiguisée que ce dernier a pu avoir

La justification n’a strictement aucun sens puisque le début de l’article parlait simplement de dénoncer des propos « pour le bien des femmes », mais c’est surtout l’occasion de rappeler que ce site n’a jamais interviewé Alkpote. L’Histoire jugera.

…Et où Niska ne lâchera jamais un »si je demande ta main c’est pour que j’me branle avec ».

Ce mec est complètement cinglé. Niska c’est le mec qui lâche « c’est moi qui fais l’oseille, pétasse fais le ménage, ramasse » « ma chérie, raconte pas tes salades, ce soir, j’vais te verser la mayo : du me-sper », sans oublier le magnifique « la chatte de la petite est salée, mon lit sent le poisson salé, pue du cul ». D’ailleurs ça tue quand il dit ça.

Florilège de pratiquement tous les textes (de grande qualité) issus de ce « V »

Ok donc là on passe à la partie commentaire de lyrics pris un par un, ça pourrait être drôle mais ça ne le sera probablement à aucun moment.

« Si je demande ta main c’est pour que j’me branle avec » Né le 12 janvier 1992, Mohamed Khemissa, dit Sneazzy, a 26 ans.

Ça fait déjà la troisième fois que le gars cite cette phrase et il ne sait toujours pas quoi en faire.

« Pétasse, pilule de molly tu gobes, j’t’ai baisée mais j’t’ai jamais promis de love » Ni « pétasse », ni objet, elle non plus.

La partie gênante de la phrase c’était celle sur le molly qui est concrètement une drogue de violeur, mais c’est bien joué, le mec parvient à être à la fois plus lourd qu’une femen et toujours autant à côté de la plaque.

Sneazzy : vide et faux

Encore une fois : tu bosses chez Konbini.

« Fils de pute, on t’a pas encore couché, c’est la dernière case à cocher. Enculé de ta mère c’est quoi le projet ? T’as vu mon ex, t’as voulu l’approcher »

Vulgarité gratuite contre des ennemis fictifs. De quoi en avoir mal au mic.

Ah, la petite référence à Oxmo Puccino qui passe bien pour justifier une opposition fictive entre deux styles de rap qui n’ont aucun problème l’un avec l’autre. Oxmo qui, en bon friand de story-telling, n’ a jamais eu d’ennemis fictifs, c’est bien connu.

« J’ai enfanté un paquet de vieux rappeurs bidons, un tas de répliques »

Ah bon.

Avec un peu de jugeotte, c’est là qu’il fallait placer le « Né le 12 janvier 1992, Mohamed Khemissa, dit Sneazzy, a 26 ans », simplement pour souligner le fait qu’un gus de son âge n’a jamais pu influencer personne dans le rap, surtout si tu passes tes premières années à imiter les grands avant de comprendre que c’est un cul-de-sac. Cet article sera décidément décevant de la première à la dernière ligne.

Comme on l’a dit, les réseaux sociaux se sont acharnés à différents niveaux sur cette diatribe, son auteur en personne et Konbini en général. Et même ceux qui méprisent Sneazzy et sa musique se sont joints à la meute, tant l’article a été jugé unanimement comme étant une triste accumulation de guano. Le tout a parfois dérivé en débat sur le fait que c’est bien gentil de critiquer Sneazzy mais à ce moment il faut étendre la même exigence à l’ensemble du rap français et pas seulement les jeunes inoffensifs, ce qui n’est jamais le cas sur ce site, etc.

Bref, malgré toute la volonté de l’auteur, son incompétence s’est révélée suffisamment forte pour qu’absolument tout le monde prenne la défense de sa cible.

Alors certes, Konbini et son rédacteur s’en prennent plein la gueule, mais offrent à Sneazzy une promo-éclair digne des meilleures agences de comm’, à tel point que le morceau finit en top tendances sur twitter – il faut rappeler qu’on parle d’un mec qui galère à faire du buzz même quand Selena Gomez le dédicace -.

A vrai dire, on en vient à penser que s’il avait voulu faire buzzer Sneazzy pour un clip dont plus personne ne parlait à peine 48 heures après sa publication, le rédacteur ne s’y serait pas pris autrement et… WOW.




On peut alors légitimement se poser la question de l’opération promo orchestrée, ce qui serait insultant pour à peu près tout le monde : le public, qui est une fois de plus pris pour le dernier des abrutis crédules ; Sneazzy, qui se fait quand même salement insulter sur une dizaine de paragraphes ; Konbini, qui n’est plus à ça près, mais qui confirme une fois de plus les critiques à son encontre. Bon, l’hypothèse du vrai-faux buzz promotionnel ne sauve pas la base, tant l’article en question ne ressemble à rien. Mais si c’est un coup de comm’, c’est du grand art. Les fans de rap en général sont très premier degré, et les fans de Sneazzy sont généralement plus cons que la moyenne, sinon ils ne l’écouteraient pas.

Du coup, il a très bien pu tout manigancer avec son pote Rachid, vu que les deux se suivent au moins sur Twitter. C’est ce qui expliquerait la réaction simplement amusée et pas du tout énervée ni même agacée du rappeur qui a simplement posté des smileys en commentaire lorsqu’un de ses fans a relayé l’article pour s’en moquer. Tout le monde a pris son tweet comme un simple « bien vu » à l’adresse de son interlocuteur, mais on peut aussi le comprendre dans le sens « dans le mille » à l’adresse de Konbini. Et peut-être même qu’après il pourra ressortir sa phrase « Les retournements de veste sont les bienvenus, rebeu, l’erreur est humaine » contenue dans le morceau, qui prendra un tout nouveau sens avec un smiley coquinou adressé à Rachid.

Il ne faut pas non plus oublier que Sneazzy appartient à un collectif très, très large, et très, très à la mode, précisément chez les gens qui gèrent Konbini. C’est pour ça que l’intégralité des articles précédents le concernant étaient toujours élogieux, comme l’ont été l’intégralité des articles concernant L’Entourage, parce que ce serait quand même con de se fâcher avec des gens qui ramènent autant de clics. A bien y réfléchir, il faut se lever tôt pour trouver quoi que ce soit de vraiment négatif sur ce site, les champions ont même accepté de faire une opération séduction made in Ministère de la Justice pour expliquer que les prisons françaises c’est grave cool, donc bon, ils sont plus à ça près.

A partir de là, les deux hypothèses se rejoignent : soit Sneazzy est réellement tellement en difficulté qu’il en est à payer pour se faire insulter – attention poto, la prochaine étape c’est l’entrée en club SM – et dans ce cas, on s’est dit à la rédac de Konbini “mec, je vais faire l’article le plus méchant possible, ça va être un vrai exercice de style” ; soit Rachid en veut réellement à Sneazzy à cause d’une sombre histoire de rivalité pour une meuf au collège il y a 15 ans, et a déversé toute sa rage sur son clavier sans souci de la régie pub -dans ce cas, il va falloir travailler ta rage et devenir plus efficace, mieux vaut une bonne droite dans les dents qu’une centaine de coups de coude en l’air.

Certains objecteront malgré tout qu’à cause de son côté trompe-l’œil, ce n’est pas l’opération de comm’ la plus intelligente du monde, dans la mesure où elle coûte à Konbini les mauvais avis de beaucoup de gens, à l’auteur une réputation de girouette avec en supplément des insultes directes et à l’artiste des rappels de son passé trouble de la part des plus hargneux, en plus d’un papier qui associe son nom à des qualificatifs tous moins reluisants les uns que les autres.

Sauf que… Personne n’a attendu cet article pour remarquer que Konbini est au journalisme ce que le bowling est au billard à trois bandes. Et ça fait plusieurs années que Sneazzy vend approximativement 30 fois moins que son petit camarade Nekfeu, ce qui a fini par en faire un type suffisamment désespéré pour tenter absolument tout et n’importe quoi en terme de promo. A une époque il demandait même à un ami community manager de stars de faire le forcing pour avoir une dédicace de Chloe Moretz (ouais, il n’y a pas eu que Selena, et non, ça n’a servi à rien non plus). Quand on pense que Sneazzy aurait fait approximativement 30 fois plus de buzz en faisant un faux coming-out, c’est quand même ballot.

Ou alors cet article est vraiment très sérieux et premier degré, et là ça voudrait dire que son auteur est perdu à jamais. Ce qui est également une possibilité quand on pousse l’investigation en profondeur. Attention, certaines images ou propos peuvent choquer.

Crédits photo: Youtube / Sneazzy