Cheu-B, icône du XVIIème – Check

Cheu-B, icône du XVIIème

9 juillet 2019

Triple Sept

Membre du groupe XV Barbar et originaire du 17ème arrondissement de Paris, Cheu-B s’est rapidement imposé comme un espoir de la trap française. Son crew a rapidement inondé YouTube de nombreux hits et clips efficaces aux sonorités alors trop peu connues du public français. Après une longue absence, Cheu-B revient avec un nouvel album “Icône”, en référence à l’influence que ses frères d’armes et lui ont apporté à toute une génération de jeunes trappeurs.

Salut Cheu-B, ça fait longtemps qu’on t’a pas vu dans le paysage du rap français, on est content de te retrouver avec ce nouveau projet.

J’ai hâte de voir les résultats et hâte de faire plaisir au public.​Franchement,​ on va dire que ça fait 2 ans que j’ai pas sorti de projet, mais depuis un an que je sais que le prochain s’appellera “Icône”. 

On est actuellement dans les locaux de Sony, à quel moment tu les as rejoints ?

J’ai signé en mai 2017 chez Sony. 

Et qu’est ce que ça t’as apporté dans la professionnalisation de ta musique ?

C’est important l’appui des maisons de disques, ça te permet d’atteindre des médias que t’aurais pas pu approcher avant ou d’avoir certains placements que tu peux pas faire tout seul comme être dans les bacs. Mais j’ai jamais trop utilisé ma maison de disque pour développer ma musique moi. 

T’es arrivé ici avec ton équipe et tu l’as placée autour de toi ?

Ouais je suis venu avec mes beatmakers et mes ingés sons. Avant d’arriver chez Sony j’avais déjà rencontré une grosse équipe qui m’avait montré des gens avec qui je bosse encore aujourd’hui. 

Après la sortie de “Skyland” en 2017, est ce que t’as arrêté ta musique pour faire mûrir tes idées ou t’es directement reparti en studio pour préparer la suite ?

Pas du tout, j’annonçais mon projet dans les mois à venir, mais à ce moment là c’était impossible à cause de problèmes contractuels. Donc ça a créé une pause, j’ai quand même sorti des sons comme Mafioso ou Valentine mais le public attendait “Welcome to Skyland 2”.

“Icône”, on peut le considérer comme un volume 2 ?

Ouais exactement, y’aura pas de projet intitulé “Welcome to Skyland 2”.

Très rapidement ta musique à reçu un très bon accueil, ça t’a aidé à préparer la suite ou au contraire accentué la peur de décevoir ton nouveau public ?

Comme je venais déjà de XV Barbar, et qu’on avait déjà fait des hits, ça m’a plutôt rassuré. On a fait des titres qui ont beaucoup tournés. Mais recommencer tout seul, développer une identité et faires des hits seul c’est compliqué. Moi je trouve que j’ai réussi, en trouvant mon identité. J’ai compris ce que le public attendait de moi.

Vous avez sorti “La Honda” en janvier avec les XV, au vu du timing tu as dû enregistrer cet album en même temps que le tien, c’est pas compliqué d’être sur deux projets en même temps et devoir jongler entre les couplets ?

La vérité, c’est vrai que j’ai pas pu être à 100% sur le projet de groupe, mais c’est un mal pour un bien parce que ça permet à d’autres personnes du groupe, qui étaient moins exposées, de pouvoir montrer de quoi elles sont capables. Parce qu’avant je faisais la plupart des refrains.

C’est pas dur quand tu trouves un bon texte ou une mélodie pendant une séance studio de groupe de pas se dire “tiens ça je pourrais le garder pour mon solo” ?

Non ! Quand je suis présent je me donne à fond, en général je suis dans les premiers à avoir fini d’écrire ou à trouver des mélodies, et ça me permet d’aller aider mes potos. Pour moi si j’ai mis un bon couplet dans la XV c’est stylé, je suis pas égoïste, ça me fait kiffer au contraire. 

Pour l’instant, vous êtes contents des retours sur le projet de groupe  ?

Je vais pas te mentir, non moyen.

Moi par exemple, je l’ai pas vu passer cet album…

Tu vois ? Le problème c’est qu’en fait, avec la XV, on est toujours resté en indé, on a seulement signé des licences, c’est à dire qu’on était “sous contrat de contrat”. Alors forcément dans ce cas là, un mec qui est balancé partout sur Spotify et autres, il est forcément plus exposé que nous, même si il est moins fort. Il a plus de chance de réussir parce qu’il a les armes pour, nous il nous manquait des armes. 

C’est là la force des maisons de disques, au delà de ton instagram qui te sert à faire ton auto promo, eux ils peuvent te faire passer un cap en terme de promotion.

Dans la XV il y’a des membres qui ont dû endosser des rôles de manager et prendre en main le groupe pour essayer de passer ce cap ?

Dans le groupe, les gens qui gèrent ça c’est The S et moi. J’étais comme son bras droit, dès qu’il voulait prendre une décision concrète il prenait mon avis en compte. C’est un mec qui a vraiment l’âme d’un leader.

Il y’a quelques années, il y avait un énorme engouement autour de vous, et de ce que vous proposiez. Aujourd’hui vous revenez et personne ne calcule vraiment votre projet, ça vous a fait quoi ?

On a mis trop de temps à revenir, et entre temps des gens ont pris notre créneau, notre force. On peut pas leurs en vouloir, on peut s’en vouloir qu’à nous même. Parce qu’au moment où on avait de l’avance on s’en foutait, on était pas un groupe qui voulait percer. Mais au moment où on l’a vraiment voulu on faisait plus de son, et ça on s’en est rendu compte trop tard. En fait, on l’a compris qu’après que tout le monde soit venu nous voir pour nous dire “ah lui il a pris ta force, il danse comme toi”. Si tu travailles pas, les gens vont le faire pour toi, même si tu penses que t’es le plus fort, parce que tu sera le plus fort mais chez toi, dans ta maison.

Pour le prochain projet de groupe, vous allez changer des choses ?

Franchement, y’a pas de prochain XV de prévu. Pour le moment, c’est chacun son solo. Moi ça m’a mis en pause à plusieurs moments pendant la préparation de mon album, maintenant je veux me concentrer dessus pour voir où ça me mène.

Quels autres solo des Barbars sont prévus pour l’instant ? 

Normalement il y’a The S. Après Jack Mess Black D et ADK me disent toujours qu’ils préparent leurs solos, on attend de voir. 

Pour la sortie d”’Icône” tu as lancé la promo avec les gros featurings de ton album, comme Leto, Siboy ou Cinco. C’était une volonté de montrer que t’étais intégré au rap jeu en dehors des XV justement ?

J’avais déjà fait des gros feats avant, comme avec 13Block ou Hamza, et je fais toujours ça, je prends deux trois feats que je kiff et ceux que le public veut, et je leur sers. Comme ça je concentre la vision sur projet avec ces morceaux et si tu as kiffé le délire, tu vas revenir écouter du Cheu tout seul. 

Moi je veux que les gens disent “ah ouais il est connecté avec des bons mais maintenant je veux écouter du Cheu-B tout seul”. C’est la meilleure manière de revenir dans le rap, et de faire écouter son projet. 

Est ce que c’est aussi parce que c’est plus facile de revenir accompagné ? Ou au contraire tu voulais créer de la surprise autour de ton retour solo alors que tu l’avais longuement peaufiné dans l’ombre ?

Je vais être honnête, c’est les deux. Revenir juste avec un titre c’est risqué, c’est soit ça passe soit ça casse. Là, j’étais sûr de mes feats, mes solos aussi, je suis sur de tout ce que j’ai fait, mais je sais juste pas ce que les gens voudraient découvrir de moi tout seul en premier.

T’as beaucoup voyagé pour tourner les clips, pour le titre “Gang” à New York ou encore le feat avec Cinco en Côte d’ivoire. C’est important pour toi de développer un univers visuel différent de ce que tu as pu faire auparavant ?

Quand j’additionne tous les clips que j’ai fait depuis le début de ma carrière, y’en a énormément qui ont été tourné dans mon quartier et dans Paname, donc je partais du principe que je voulais changer et montrer que je restais le même, même si on changeait le décor. 

En Côte d’Ivoire, j’ai pas fait un clip spécialement afro, parce que j’étais en Afrique, pareil au States, d’ailleurs ils m’ont super bien reçu dans le Queens, c’était vraiment le côté “je reste Cheu-B, il n’y a que le décor qui change”.

Ça fait quelques mois qu’on commence à entendre parler de Cinco, c’est un mec avec qui tu es connecté depuis longtemps ? 

Moi ça va faire plus d’un an que je le connais. Je l’ai rencontré via Ghostkillertrack qui est mon poto, il bossait un peu avec lui donc il m’a fait écouter. A la première écoute j’ai directement trouvé ça très cainri et très fort, donc j’ai rapidement voulu bosser avec lui. Depuis on est devenu de très bons potes, et en plus on se rejoint musicalement; ça​ faisait longtemps que j’avais pas rencontré quelqu’un comme ça, depuis le 17ème avec Leto, la XV etc…

Après 2 ans d’absence tu arrives avec 19 titres, tu voulais revenir avec quelque chose de conséquent, ou t’as tellement bosser pendant ces années qu’au moment de faire la tracklist t’as eu du mal à jeter des morceaux ?

Ce choix est influencé par le temps c’est sûr mais je suis aussi quelqu’un de généreux musicalement. C’est vraiment le côté maison de disque qui m’a fait me restreindre de temps en temps, parce qu’ils voulaient bosser d’une manière réservé, sauf que moi je suis quelqu’un qui fait du son tout le temps. Je kiff tous mes morceaux, et je veux pas que ma fanbase passe à côté d’un morceau qui aurait pu rester sur mon téléphone et qu’un soir un pote me dise que j’aurais dû le sortir quand je lui fait écouter. 

T’es super bien entouré au niveau de la production sur ce projet, tu penses que ça va t’aider à passer un cap ?

En tant que musicien et consommateur de musique, je trouve vraiment que la prod c’est très très très importante. J’aime beaucoup qu’une instru soit atypique et me corresponde, comme le feat avec Cinco ou celui avec Siboy, pour moi les prods sont incroyables. Et chacune est faite pour le créneau de chacun, “Bobby” est faite pour le créneau de Cinco, “Splash” pour celui de Leto. Je compose ma musique comme un producteur, il faut faire ressortir le meilleur de la prod avec ton texte. 

Il y’a énormement d’univers et de sonorités qui sont abordés dans ce projet…

Voilà ! C’est aussi peut être pour ça que certains écoutent ma musique, les consommateurs de société, ceux qui écoutent les playlists raps, d’un coup je chante après je rap, je change de voix, tu peux te dire “putain je comprends pas”. Moi c’est ce que j’aime faire, chaque prod demande une interprétation différente. Mais quand tu écoutes tout le projet, tu comprends ce que c’est du Cheu-B, et qu’il y’a quand même une liaison.

La cover a été réalisée par Fifou, c’était un souhait de ta part ou c’est quelqu’un qu’on t’a conseillé ? 

Fifou je connais son boulot ouais, c’est mon gars. On devait déjà faire des projets ensemble, en partie parce que ce retour avec “Icône” à un profil “mode”, donc on avait beaucoup de projet de shooting.. Je lui ai parlé de l’album, de mes idées et on a décidé de bosser ça ensemble. 

C’est toi qui est arrivé avec l’idée des statues antiques ?

Ouais cette idée par exemple, je l’ai trouvée avec mon manager, on était posé et à force de surveiller ce qui sortait et du nombre de personnes qui venaient nous voir en disant “Ah Cheu-B ça ressemble trop à ce que tu fais, putain t’es sous coté” un jour je me suis dis “Les gars, j’suis une jeune icône en fait, faut être inspiré par moi pour y arriver ?”. Donc on est allé au bout des choses. Et y’a un double message, parce que y’a aussi le côté “vous dites que je suis une icône ? Regardez je m’en bats les couilles je suis assis sur la statue je fume mon joint”. Et il y’a aussi le graffiti derrière, pour ramener la rue dans cet univers un peu lisse. Je veux pas m’enfermer dans une image de mode et être obligé de porter des tutus un jour, je refuse beaucoup de shooting et de tenues. 

C’est quelque chose d’important pour toi de garder le controle sur ton image et de pas faire confiance à 100% à des photographes ou des réalisateurs ? 

J’ai un oeil sur tout mon travail, je pense que comme tout le monde, je me connais mieux que n’importe qui. Mais il y’a des gens qui préfèrent que d’autres choisissent pour eux, moi c’est le contraire, quitte à faire mes propres erreurs. 

En septembre prochain, tu deviens une des égéries Europe de Reebok, c’est ça pour toi devenir une Icône ?

C’est le chemin vers lequel on se dirige ouais. Demain, il peut y avoir un événement sportif, on peut t’inviter juste parce que t’as une communauté, t’as de l’impact. Et il est est temps d’en profiter et de manger les fruits qu’on a semés, parce que ça fait longtemps qu’on est des icônes, mais juste dans la bouche des gens, aujourd’hui faut qu’on avance. Je commence avec Reebok, mais on veut finir chez Dior ou Louis Vuitton mon pote !

Ça fait quoi de venir du 17ème et de se dire que tes photos vont être affichées sur tous les murs d’Europe ? 

Je me dis “putain enfin, j’ai pas fait tout ça pour rien”. C’est ce que j’ai toujours voulu faire, j’avais une marque de sportswear que je développe depuis longtemps, mais en ce moment elle est en stand by parce que je veux pas me précipiter dans la mode. Je trouve que tu peux facilement te griller dans ce milieu. Je veux pas dégager quelque chose qui peut être mal interprété. Donc pour l’instant, m’installer avec une marque sportswear reconnue c’est parfait, j’ai eu beaucoup de marque qui m’ont approché, mais avec Reebok ça l’a fait direct. 

Comment ça s’est passé justement ?

En vrai, c’est le boss d’OKLM qui m’a croisé un jour où j’étais en full reebok. Il m’a demandé si je kiffais ce qu’ils faisaient. Deux jours après on était dans leurs locaux. Ce que j’ai kiffé, c’est qu’en arrivant chez eux, ils ont pas bégayé. J’étais déjà rapidement passé chez Asics, Nike, Converse, Adidas et vas-y pendant des mois ils m’ont invité en showrooms mais il y’a jamais eu de projet concret. Moi je trouve que je suis autant éligible pour mon rap que pour ma façon de m’habiller. 

Si une marque était maligne, elle mettrait plus de profil comme moi en avant, à la place des grosses têtes, parce qu’une grosse tête t’aime peut être bien ce qu’elle fait mais pas sa manière de s’habiller. Alors que y’a beaucoup de petits rappeurs qui ont beaucoup de flow et dont les gens kiffent comme ils s’habillent donc ils seront plus impactants quand ils porteront ta marque. Reebok, c’est la première des grosses marques qui a franchi le cap avec moi, ils ont été très clairs. 

Y’a une comparaison que les gens aiment bien faire avec toi …

Asap ?

Ouais Asap Rocky, ça te fait quoi ? T’en as marre qu’on te compare tout le temps à lui ou au contraire ça te flatte ?

Comme je réponds à tout le monde, les rappeurs français sont continuellement comparé entre eux, je préfère être comparé aux américains. Parce que je suis le seul. Visuellement, je te parle, parce que acoustiquement y’a aussi Hamza et d’autres mecs qui font des trucs aujourd’hui qui valent les USA.

Il y’a cette volonté de devenir plus qu’un rappeur qui est très présente aux Etats-Unis, de devenir une icône justement.

Ça​ se débloque en France ! Alors que ça a presque toujours été le cas aux States. Aujourd’hui tu vois Gunna chez Chanel, Asap chez Dior, Migos en Versace de la tête aux pieds. C’est des marques qui à la base, n’ont pas besoin de nous, mais avec notre influence et notre image, on devient les premiers consommateurs de ces marques, on devient leurs publics et leurs cibles. Regarde, en ce moment toutes les grandes marques sortent des sneakers, Dior c’est des Huarache qu’ils font. La mode c’est devenu des baskets de luxe.

Pour finir, une carrière de mannequin c’est quelque chose qui t’intéresse ?

Être mannequin et bosser dans la mode, c’est deux choses différentes. Moi je veux être dans la mode, mannequin pourquoi pas, à certains moments si j’ai un défilé pour une grande marque ou une Fashion Week, mais jamais une carrière de mannequin seul. Je veux être un entrepreneur dans la mode, grâce à mon business musical pouvoir débloquer des business dans la mode et les sapes. C’est encore une autre step à passer. 

Article et photos: Le Triple Sept

Triple Sept

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