Geeeko : Rookie de l’année – Check

Geeeko : Rookie de l’année

3 avril 2020

Martin Vachiery

En Belgique, personne avant lui n’avait réussi à transformer cette trap codéinée avec autant de talent. Lui c’est Geeeko, 21 ans, jeune bruxellois plein d’ambition. Il vient de sortir “Barauder” qui vient compléter une série de 7 singles conceptuels qui offrent un aperçu de l’étendue de son talent et de la diversité de sa musique. Rencontre avec le Rookie de l’année, et sans doute plus encore.

Ça faisait un bout de temps qu’on avait envie de vous parler de Geeeko. Depuis septembre 2019 déjà, on a la chance d’écouter sa musique. Certains inédits (jamais sortis encore), et les singles qu’il a distillé ces derniers mois sur les plateformes de streaming.

Alors juste avant le confinement (restez chez vous), on est partis le rencontrer à Anderlecht, dans un magnifique loft d’artistes, en compagnie d’Adèle Boterf, toujours là pour shooter les meilleurs artistes belges.

Le jeune Geeeko a fait la fête la veille, mais il est à l’heure (contrairement à Martin) et déjà très pro, en shooting photo comme en interview. On est super content de le voir et on pose directement le cadre.

Martin Vachiery: C’est l’une de tes premières interviews, non ?

Geeeko : J’ai fait un truc pour OKLM, mais c’est à peu près tout pour l’instant, c’est un plaisir d’être avec toi.

C’est cool de te voir maintenant, tu es vraiment en train de tout construire, c’est le début de ta carrière !

Ouais c’est grave le début, je suis en train de kiffer le truc à fond. Tu découvres tout, tu rentres dans un monde, tu créer des connections avec Paris. Moi je ne suis pas un mec qui voyage beaucoup déjà de base tu vois. Rien que d’aller à Paris pour faire du son, tu vois c’est chaud ! Tu vois jusqu’où la musique peut t’emmener et moi j’espère aller encore plus loin, que ça me mène encore plus loin. Le plus loin possible même.

Il y a quelques jours on s’est vu en soirée, au Check Club, tu avais l’air d’apprécier la soirée et le public avait l’air d’apprécier tes sons.

C’était une Traaaap mec ! Franchement votre Check Club c’est chaud. C’était vraiment lourd, je n’avais jamais vu le Belga (bar mythique de Bruxelles) comme ça mon frère. Le Belga normalement c’est un truc calme, tu bois un petit coup et après tu bouges. Et là ça « trapait » y’avais d’autres gens comme moi. J’étais content, je faisais que sauter partout. C’était chaud.

C’est l’occasion de tester sa musique en vrai du coup !

C’est génial. Surtout de voir ceux qui ne connaissent pas ton son et qui réagissent ça fait grave du bien. C’est ça l’idée, toucher des gens qui ne connaissent pas, aller encore plus loin. Puis ça se fait dans la meilleure ambiance, j’avais l’impression d’être en live, j’ai hésité à enlever mon t-shirt, puis je me suis dis «t’es pas en showcase calme toi ! »

T’étais torse nu à un moment…

Ah putain de merde (rires)  

Allez on enchaîne (rires), on va faire aussi un peu de présentation, comme on en est encore au début on peut se permettre encore de faire ces trucs-là. Tu viens de Bruxelles et tu vas avoir 21 ans dans une semaine (au moment de l’interview). Bientôt majeur aux Etats-Unis !

On pourra rentrer dans les casinos aussi !

C’est quoi ton parcours de vie ?

J’ai beaucoup bougé pendant mon enfance. Avant j’étais en Afrique, jusqu’à mes 7 ans, je suis né au Burundi, puis j’ai vécu au Rwanda, puis au Burkina. J’ai vraiment grandi là-bas, la plupart de mes gars sont là-bas, ça fait longtemps que je ne les ait pas vus. C’est mes frères, j’espère retourner là-bas grâce à la musique un jour.

Puis à 14 ans j’ai débarqué en Belgique. A Laeken d’abord (Bruxelles nord), puis vers Yser (Bruxelles centre), c’était chaud là-bas ! Après on est descendu à Forest (Bruxelles sud) et on resté là-bas.

C’est un peu cliché comme question, mais est-ce que tes voyages et les cultures que tu as pu côtoyer ont influencé ta musique ?

Ça m’a beaucoup influencé bien sûr, même dans un morceau comme « Fendi » tu peux entendre des petites sonorités afro, même dans les flows, c’est en moi tout ça. J’ai grandi là-bas, du coup j’ai une vision un peu différente. Encore aujourd’hui d’autres musiques africaines m’influencent, comme les sonorités nigérianes de  Burna Boy. Là, à part sur « Barauder », ça ne se voit pas encore beaucoup dans la musique mais j’espère pouvoir en montrer plus avec mes projets.

Histoire de te préparer pour tes futures interviews, on va te poser la question de l’origine de ton nom de scène évidemment !

En fait on était devant la school, un midi, quand un pote à moi me dit que je ressemble à un lézard. Bon, déjà je ne le prends pas bien (Rires). « Pourquoi il me dit ça ce boug ? » Puis le gars précise en disant que je ressemble à un gecko, puis un autre pote m’appelle Lil Gecko (parce qu’on m’appelait parfois Lil Yachty), puis j’ai viré le « Lil » et j’ai gardé Gecko. Après j’ai rajouté les 3 « E » et j’ai enlevé le C, c’est devenu Geeeko. Tout le monde m’appelle comme ça maintenant.

Geeeko avec 3 « E », c’est important…

Oui faites un effort s’il vous plait (Rires)

On t’a entendu sur le projet des Alchimistes, c’est même ton premier feat « officiel »

Ouais et c’est très cool ! Eux c’est des grands pour moi. Quand des mecs comme ça ou des Hamza, Damso etc. veulent travailler avec toi, t’es heureux. Les petits comme moi ont besoin de force.  

Quand on discute, j’ai l’impression que ça fait longtemps que prépares tout ça,alors que tout a vraiment commencé en septembre 2019.

C’est vraiment fou à quel point ça va vite. J’ai parfois le sentiment que je bosse depuis 2-3 ans dans cette musique, alors que mon vrai développement professionnel à commencer il y a quelques mois. Bon je ne devrais pas le dire, même j’ai même arrêté pour me concentrer à fond sur la musique. J’ai déjà fait quelques showcases, notamment une date incroyable au Mirano (célèbre club bruxellois), ma meilleure expérience live ! La première partie de Yung Mavu à Leuven aussi, avec que des flamands qui parlaient pas français, ils m’ont super bien accueillis c’était chaud.

Tu regrettes pas d’avoir arrêter l’école ?

C’était plus possible de justifier mes absences avec les clips et les séances de studio, donc pas de regrets non, jamais. J’ai dû convaincre la daronne pendant deux mois, c’était grave dur ! Le daron je ne te parle même pas, laisse tomber… Mais là ça va tu vois, ils voient que c’est en train de bouger, ils voient les clips ils écoutent mes sons et tout, je suis grave content ! Ça fait grave plaisir quand ils valident, tu passes le cap ça fait trop du bien.

Je pense qu’aucun daron a envie d’entendre son fils dire « j’arrête l’école ».

En plus là je te parle d’un africain… quand tu lui annonces que tu te lances dans la musique, tu peux imaginer. Mais à l’aise, là ça se passe bien, c’est cool, ils sont confiants. Mais il y a toujours la question « tu ne veux pas retourner à l’école l’année prochaine ? » je réponds toujours « oui peut-être… »

Tout va très vite, est-ce que tu as déjà pu te poser pour réfléchir à un plan de carrière ?

Je n’ai pas envie de trop me projeter et d’être déçu. Moi je savoure le moment, et j’ai la chance d’être bien entouré (son manager est Dimitri Borrey, l’ancien manager de Stromae). Ça vient, je savoure. C’est grave ça. J’essaye de rester tranquille et humble, jamais jamais prendre la grosse tête, parce que là j’en suis nulle part encore, je veux garder ma mentalité. Jamais je veux me prendre pour quelqu’un d’autre, je suis un petit gars de Bx, tout simple.

C’est vrai que chez nous on n’aime pas en faire trop !

On partage, on reste cool et on donne de la force à tout le monde.

Il y a eu plusieurs évolutions dans le rap en Belgique à Bruxelles. Début 2010, la génération « Bx Vibes » (Scylla, Gandhi, Convok….) avait un succès d’estime, mais ça ne marchait pas encore pour le grand public. Puis à partir de 2015-2016 y a eu la fameuse explosion du rap belge (Damso, Hamza, Roméo…), peut-être que toi tu vas incarner une nouvelle génération de rappeurs belges ! Avec un style encore plus décomplexé.

Ce serait tellement chaud, c’est même un rêve : pouvoir influencer d’autres artistes. Parce que tu me vois là comme ça, avec mon style, mais c’était dur au début. Je peux te dire qu’à l’école ont me faisait chier avec mes tresses colorées. Là maintenant ça paraît « normal », mais à Bruxelles c’est pas vraiment un style qui est apprécié dans les quartiers.

J’avais le seum de la façon dont on me parlait. Aujourd’hui je vois les mecs qui me vannaient partager mes sons et me donner de la force. Faut avancer de son côté et avoir confiance en soi.

Ce que tu proposes en termes de style et de musique, ça existe peu encore en Belgique, c’est peut-être ça ta chance.

C’est ce que je veux inspirer. Que les mecs se disent « wow, c’est quoi cette new wave qui vient de Bx ? » Ce serait la meilleure chose. Et c’est aussi grâce à mon équipe. C’est eux qui me permettent de crédibiliser mon rêve.

Ça a été quoi le déclic pour toi dans la musique ?

C’est une question que je me suis déjà posé, mais je n’arrive pas à vraiment l’expliquer. J’avais enregistré quelques sons avant avec ma première équipe, mais j’ai tout bieeeeen supprimé depuis (Rires). Je faisais de la trap de base, après c’est une histoire de connexions, de hasard et de studio. C’est ma nouvelle équipe qui m’a incité à chanter dans mes sons. Et puis après c’est la validation des autres qui donnent du crédit à ce que tu fais. Le fait d’enregistrer des freestyles, d’être validé par Check et plein d’autres choses comme ça ! Là ça devient réel et ça donne encore plus la dalle.

C’est pas toujours évident de chanter, au début

A Bx quand tu traines en ville ou en soirée, ça tape un baffle et ça rappe. Tu vas pas débarquer en disant « attendez, je vais chanter » (rires). Les mecs vont penser que t’es bizarre. Donc faut savoir rapper, c’est la base, mais quand tu sais chanter aussi, ça complète ton univers. Il faut juste un peu de temps pour que ça soit accepter par tout le monde.

Ton style ne passe pas inaperçu forcément

Ah moi je trap c’est comme ça ! (rires) Personne ne va m’empêcher de trapper. Mais je suis un gars comme toi, jamais je me la pète, je suis de Bx mon frère, tu connais !

Une dernière question, si tu devais choisir un rêve musical, un seul, ce serait quoi ?

Taffer avec SAINt JHN, tu connais ? Putain ce type-là, je n’ai jamais été fan de quelqu’un mais ce type-là, je suis fan à mort, ça me fait chier (Rires). Il devait même venir, il avait une tournée ici et devait passer au Bloody, mais il a annulé. Comme il n’est pas assez connu, ça n’a pas ramené beaucoup de gens, c’est ça qui est chiant. Mais ce gars-là, être en studio avec lui ce serait mon rêve. Il est beaucoup trop fort niveau mélodies, charisme, tout ! Je sais qu’il peut m’apprendre trop de trucs. Parce que moi j’ai encore un peu ce manque de confiance, je m’affirme mais ce n’est pas encore le top. Lui c’est une rockstar.

Je suis sûr que ça le faire, on t’aime fort Geeeko.

J’espère aussi, merci mon frère !

Voilà pour cette première introduction avec Geeeko, vous le retrouverez très rapidement sur Check, croyez-nous. D’ici là son projet arrive avant l’été, il aura quelques dates en festivals ensuite (s’ils ont lieu, puis il fera son premier vrai concert à Bruxelles à l’automne 2020.

Crédits photos: Adèle Boterf

Martin Vachiery

Journaliste bruxellois spécialisé dans la culture Hip Hop, Martin Vachiery a également travaillé pendant 8 ans à la rédaction de RTL Belgique. En 2011, il réalise le premier documentaire consacré au Rap bruxellois: “Yo ? Non, peut-être!”. En 2013, il anime ensuite pendant un an le “Give Me 5 Show” une émission de radio spécialisée en Rap belge, diffusée sur Radio KIF puis FM Brussel (devenue Bruzz). Après avoir collaboré avec de nombreux artistes de la scène belge sur différents projets culturels, il est aujourd’hui en charge de la ligne éditoriale et de la programmation musicale de Check.