Pourquoi tout le monde adore Moha la Squale – Check

Pourquoi tout le monde adore Moha la Squale

22 juin 2018

Martin Vachiery

On pensait que tout avait déjà été dit sur Moha La Squale. Le cours Florent, son passé (récent) de bicraveur, sa dégaine d’acteur etc.; l’ascension fulgurante du jeune rappeur parisien a affolé les maisons de disque et les médias, souvent pour ne pas raconter grand-chose d’intéressant. Alors quand l’artiste vient nous voir chez Check, on se dit qu’on va prendre un peu l’air et parler musique. On vous explique pourquoi tout le monde adore Moha la Squale.

Parce qu’il est charmant

Il faut préciser quelque chose d’important: le naturel de Moha et son charme (- pause -) ne sont absolument pas une illusion. C’est même plutôt une évidence. A peine salué, le jeune parisien déroule ses histoires en souriant et en rigolant. Il explique que sa « nouvelle vie » a démarré ici à Bruxelles. « C’est là que j’ai tourné le court-métrage qui m’a fait connaître » (La Graine). Il ponctue ses phrases par ses gimmicks préférés (« C’est carré… t’as capté ? ») et se me même à rapper quand il ne retrouve pas ses mots (« C’était pas triste, c’était la street, c’était La Squale sur Rue Duris »).

Moi j’arrive avec la dégaine du journaliste un peu cool qui veut pas être relou, mais qui a quand même envie de poser des questions qui picotent, alors quand je lui demande ce qu’il répond à ceux qui disent que ses morceaux se ressemblent un peu tous, il s’explique.

« Je vais te dire un truc, tout ce que je raconte c’est ma vie. C’est la rue. Donc forcément, comme je m’inspire de ma vie, ça parle de drogue, de terrain, de la Rue Duris (dans son quartier de La Banane). Je glorifie pas ça, mais ma vie c’était faire des conneries à gauche et à droite, voir des copines, puis revenir éternellement au même endroit. Donc j’essaye de ne pas trop me répéter, mais ça reste des tranches de vie. »

Parce qu’il s’en ballec

Parler musique avec Moha c’est une aventure, il reconnaît « ne pas être un pro de la musique » et raconte qu’il s’est « bousillé au rap français sur son scooter, quand (il) faisait ses livraisons pour Uber Eats de 10h à minuit. » Il explique qu’il « en a tellement écouté qu’il en a été saoulé et a voulu lui-même commencer à écrire et à rapper ».

Pourtant, à part Jo le Phéno et Tino 19 Réseaux il ne cite pas vraiment de ref’ quand il en parle. Sur la fameuse comparaison (assez éclatée, disons-le) avec Mister You, il explique :

« You est forcément un mec important. Parce qu’il vient aussi du même coin que moi (au nord de Paris) et qu’on l’a tous écouté quand on était jeunes, y a une partie de mon enfance dans sa musique, je fais partie de ses premiers fans, c’était une vraie fierté quand il a pété. Mais pour le reste, ça va pas plus loin, on est différents ».

Pareil quand je le charrie sur le fait qu’il fait du boom-bap, il s’étonne : « Je vais te dire un truc, le mot que t’as dit là… je sais même pas ce que c’est ! » après la petite explication sur les beats de 90 BPM et la comparaison avec les influences trap qu’il dit « ne pas trop aimer », je lui demande si les beats oldschool sont plus faciles à manier pour raconter des histoires, il se marre: « Ah mais attention, moi tu peux me ramener n’importe quel beat, n’importe quelle instru je vais rapper dessus ». On a hésité mais finalement on n’a pas ramené d’instru.

Il raconte aussi qu’il n’a pas envie de faire de feats pour l’instant, parce que « La France c’est pas comme la Belgique, y a que des requins chez nous ! » et parce qu’il préfère développer son univers musical seul.

Et alors quand on lui fait remarquer qu’il y a plein de guitares gitanes sur son album (« T’es plus Gipsy King ou Kendji Girac ? »), c’est le cadeau du chef: « Aucun des deux frère, je préfère être franc, je suis désolé » (il rigole).

Parce qu’il est proche de son public

Plusieurs fois pendant la discussion, il s’interrompt pour répondre à ses fans qui l’interpellent dans la rue. On est pourtant au 3e étage d’un grand bâtiment à l’ancienne (les bureaux de nos copains de Back in the Dayz, btw), mais ça ne le dérange pas de crier pour que Kadija puisse le snapper depuis sa voiture.

« C’est vraiment ma force tous les gens que je croise. Parfois je suis pas bien, je suis fatigué ou stressé, ça me prend la tête ; mais à chaque fois que je vois quelqu’un qui m’apprécie, je fais en sorte de mettre mes soucis de côté pour parler aux gens. Je veux pas donner une mauvaise image de moi, je dois toujours être à l’écoute, c’est important. Eux ils s’en foutent que j’aille bien ou pas, je dois tout leur donner. »

Parce qu’il répond aux critiques

Moha est un gars cool et c’est pas juste un truc pour les caméras, il suffit de parler 30 secondes avec lui pour s’en rendre compte. Et le mec est tellement démonstratif, qu’on a parfois du mal à le critiquer. En bon Forceur Jésus, je tente quand même de lui parler des 24 titres de son album (un peu trop long à mon goût). Il ne se laisse pas démonter: « C’est un petit clin d’œil à mes 24 freestyles. A la base, je partais sur 3 chapitres, et je n’avais pas envie de me limiter. Tout simplement. », on le relance quand même en lui demandant si c’est pas une volonté du label pour mieux streamer : « Non ça pas du tout, je t’assure. Et encore, y a plein de morceaux que je voulais mettre qu’on a pas gardé finalement » C’est dit.

Et justement, ses fameux freestyles du dimanche qui l’ont fait connaître, sont arrivés à un moment de rupture dans sa vie, peu importe qu’ils se ressemblent tous ou pas : « Après le théâtre, je n’avais plus envie de faire l’acteur, de jouer des personnages. Je voulais juste être moi, Mohammed, Moha et raconter ma propre vie. C’est une énergie et un besoin, c’est pour ça que je crie tout le temps en studio et dans mes clips ! J’avais vraiment faim ».

Parce qu’il aime la Belgique

En vrai, à la base on voulait juste lui demander s’il était déjà venu ici (à Bruxelles), mais comme Moha est un gars plutôt bavard et généreux, il a déroulé : « Y a une bonne vibe ici, c’est mélangé ! Je suis venu plusieurs fois, on se sent bien ici. Même dans le Rap, ça se voit que vous êtes tous ensemble, vous êtes chauds, je vous écoute et je vous observe (il rigole). Quand je suis ici, j’ai envie de dire bonjour à tout le monde, de dire merci, de faire des bisous. »

Parce qu’il ne prend pas la grosse tête

Vers la fin de la discussion, on lui demande de façon assez banale ce qu’on peut lui souhaiter pour la suite, spontanément il répond « la santé avant tout ! », donc le mec a 20 piges, mais il nous fait une grande réponse de tonton, il est comme ça Moha.

Enfin, quand on s’interroge sur le fait que tout a l’air d’aller trop vite pour lui, il raconte que c’est son vécu qui le fait rester lucide.

« J’suis un petit vagabond moi, un vrai rat des villes, un rat de Paris ! Je sais d’où je viens. Ma vie elle était sale, loin de tout ce que tu vois maintenant, frère. Alors là en ce moment je réfléchis pas beaucoup, mais j’essaye de faire les bons choix. Ça fait seulement 10 mois en vrai, t’imagines ? Je m’attendais pas du tout à ça. J’essaye vraiment de rester moi-même, de vivre le truc à fond, même aujourd’hui là avec toi quand on discute.»

Pourtant il faut bien reconnaître que la promo c’est rarement l’activité préférée des artistes, Moha le reconnaît en souriant : « Nan je vais pas te mentir c’est le truc le moins drôle… moi je vis pour les concerts, les festivals… »

Ça tombe bien, le public belge va pouvoir le découvrir sur scène au Festival Les Ardentes (à Liège), le dimanche 8 juillet prochain, et on peut vous dire qu’il est particulièrement chaud à l’idée de vous rencontrer. Parce que tout était dans le titre finalement.

(Crédits photo: le talentueux et BG Thomas Haulotte)

Martin Vachiery

Journaliste bruxellois spécialisé dans la culture Hip Hop, Martin Vachiery a également travaillé pendant 8 ans à la rédaction de RTL Belgique. En 2011, il réalise le premier documentaire consacré au Rap bruxellois: “Yo ? Non, peut-être!”. En 2013, il anime ensuite pendant un an le “Give Me 5 Show” une émission de radio spécialisée en Rap belge, diffusée sur Radio KIF puis FM Brussel (devenue Bruzz). Après avoir collaboré avec de nombreux artistes de la scène belge sur différents projets culturels, il est aujourd’hui en charge de la ligne éditoriale et de la programmation musicale de Check.