Siboy: du cœur sous la cagoule – Check

Siboy: du cœur sous la cagoule

4 mai 2018

Martin Vachiery

En un feat avec Booba, une apparition dans le clip “Bruxelles Vie” de Damso et enfin en signant l’un des meilleurs albums de Rap français de l’année 2017, Siboy s’est directement imposé comme l’un des artistes importants de la rap scène actuelle. Le membre cagoulé du 92i dégage une image sombre, parfois hardcore, qui masque pourtant une sensibilité artistique surprenante. Rencontre.

Siboy se fait plutôt rare dans les médias. Mais quand il passe à Bruxelles aux Nuits du Botanique, il choisit Check pour accorder sa seule interview. Ce qui est plutôt cool. Moins d’une heure avant son concert, il débarque dans le lobby de l’hôtel, encagoulé (forcément) et vêtu d’un superbe survet’ du Borussia; son arrivée ne passe pas inaperçue. Détendu, chaleureux et chambreur, il s’assoit avec nous pour discuter.

Tu connais Bruxelles un peu ? Ou t’es juste venu ici pour clipper “Bruxelles Vie” ?

Oui je connais mais vite fait. Mais j’ai jamais vraiment eu le temps de me poser ou de me balader ici.

Bon ça c’était pour la forme, maintenant on passe aux vraies questions ! Les artistes du 92i (Booba, Damso, Benash, Gato, Kalash…) ce sont des gens que tu fréquentes ?

Je les fréquente surtout pour le travail. On a rarement l’occasion de se voir, mais on se connaît tous, on s’apprécie tous; même si ce sont des relations de travail à la base, je suis toujours content de les voir.

Les gens ont été surpris par la couleur de ton album (Spécial, sorti en juin 2017), ils s’attendaient à du “sale” non stop… et ce n’est pas du tout ça !

(Il rigole) Non c’est clair. En fait, je n’aime pas faire tout le temps le même genre de trucs. Sur l’album y a des sons plus ouverts, plus mélodieux, donc je peux comprendre la surprise des gens. Et tant mieux, je préfère surprendre plutôt qu’on se dise “pfff le mec il fait tout le temps la même chose”. Donc je n’ai pas envie qu’on retienne que le côté “hardcore”, y a aussi des sons plus posés, plus introspectifs.




Sur un morceau comme “BQC” (“Je suis bon qu’à faire du sale”) par exemple, tu parles de ce décalage entre les attentes de certains auditeurs et ce que toi tu veux faire comme musique.

En fait je suis quelqu’un d’assez ouvert, j’aime bien faire des expériences, m’ouvrir à d’autres sons, essayer des choses, tester de nouveaux délires. Je ne veux pas toujours appliquer la même recette. Et c’est pareil pour le nouvel album que je suis en train de préparer, je veux pas rester bloqué dans un seul univers.

A quoi peut-on s’attendre avec ton 2ème album ?

Pour l’instant… c’est bien sale (il rigole) bon après il n’est pas encore fini, et avec 5 morceaux plus calmes ça peut changer la couleur de l’album. Là je trouve ça très sale, très sombre, donc j’attends de trouver d’autres inspirations. De base je suis plutôt un mec instinctif, j’écris beaucoup comme ça, et la noirceur vient directement des prods qu’on me propose. Mais là j’ai envie de me poser pour explorer d’autres thèmes.

Tu es originaire du Congo Brazza, beaucoup d’artistes français et belges viennent aussi des deux Congo (République du Congo et République Démocratique du Congo, nda), comme Niska, Damso, Gradur, Gims, Naza etc.; comment ça se fait que cette région produit autant de talents ?

D’abord c’est les Zaïrois les meilleurs (ex-RDC, nda), faut dire la vérité ! (Il rigole) Ils sont trop chauds eux. Je pense que culturellement, la musique occupe une place super importante dans la vie des Congolais. On chante tout le temps, depuis petit. Tu grandis avec de la musique, tu entends ta famille chanter toute la journée. Dans la culture congolaise il y a beaucoup de chant, même dans la religion. La musique fait vraiment partie de ta vie. Même quand tu grandis en France.




Du coup c’est un héritage qui se ressent dans la musique et dans le rap…

Exactement ! C’est comme si on avait ça en nous en fait.

Bon, on va quand même un peu parler de ta cagoule. Généralement les journalistes qui ne connaissent pas ta musique commence par ça, là on a fait l’inverse (il rigole). C’est quoi les questions les plus claquées qu’on t’ait posé sur ta cagoule ?

Haha… bon y a “est-ce que ça gratte”, “est-ce que t’as chaud ?”, “est-ce que tu dors avec ?”… toujours ces trucs super basiques. J’ai même eu “est-ce que tu couches avec ?”.

Quand je t’ai vu débarquer sur le plateau d’Ardisson, je me suis dit: “Aïe, un rappeur cagoulé, ça va être catastrophique”, et finalement l’interview était plutôt ok. Tu crois qu’il a eu peur ?

Franchement je sais pas trop, c’était assez cool en fait. Y a juste Baffie qui voulait pas me lâcher, il était chaud sur moi. Mais Ardisson non, il n’était pas aussi méchant que ce que je pensais, mais je ne crois pas qu’il a eu peur. C’est surement parce que je ne veux pas donner une image trop dure de moi, malgré la cagoule.

Est-ce qu’on peut dire qu’il y a un petit cœur qui bat derrière cette cagoule ?

Ah ouais bien sûr ! Y a un petit coeur nwaar qui bat fort (il rigole). Et le but c’est d’éclaircir un peu ce cœur.

Laisse parler l’amour qui est en toi, il faut que ton public comprenne ça…

Mais attention, mon cœur peut s’éclaircir dans le sale !

Wow, c’est technique, ça ferait un bon titre…

Haha ouais on va la garder.

Dans la grande famille des rappeurs cagoulés ou masqués (Kalash Criminel, Kekra, Kobo ou même Gims avec ses lunettes) c’est lequel ton préféré ?

Musicalement c’est Maître Gims le meilleur, mais c’est facile de répondre ça. Il a une palette tellement large et il est là depuis longtemps, même si tous les gens de “la rue” valident pas toujours, c’est un vrai artiste.

Question bonus (pour les footeux) dans “Ce n’était pas si simple” tu dis:
« Je veux quitter la France comme Ancelotti ». Est-ce que c’est une façon de dire que la France ne te respecte pas – comme la direction du PSG avec Ancelotti (entraîneur du club parisien de 2011 à 2013, nda) – ou simplement que tu veux gagner plus de titres à l’étranger – comme Ancelotti avec le Real – ?

Haha merde, t’es fort toi ! J’avais pas pensé au double sens. Au début j’ai écris ça par rapport au fait qu’il était grave critiqué en France. Mais au fond ouais… c’est aussi se barrer pour faire ce que tu as envie de faire, pour être plus libre.

Tu supportes quel club toi ?

Le Paris-Saint-Germain ! Comme jamais. C’est mon père qui m’a transmis ça. Il a toujours un truc particulier ce club, il est détesté par toute la France, c’est ça qui me plaît. J’ai toujours aimé les méchants dans les histoires.

Merci mon pote, bon concert.

Merci à toi, c’était cool !

Siboy devrait sortir son 2ème album studio (après “Spécial”) d’ici à la fin de l’année 2018. On ira le revoir avec Check, pour voir s’il est parvenu à éclaircir un peu son cœur.

Crédits photo: Thomas Haulotte

Martin Vachiery

Journaliste bruxellois spécialisé dans la culture Hip Hop, Martin Vachiery a également travaillé pendant 8 ans à la rédaction de RTL Belgique. En 2011, il réalise le premier documentaire consacré au Rap bruxellois: “Yo ? Non, peut-être!”. En 2013, il anime ensuite pendant un an le “Give Me 5 Show” une émission de radio spécialisée en Rap belge, diffusée sur Radio KIF puis FM Brussel (devenue Bruzz). Après avoir collaboré avec de nombreux artistes de la scène belge sur différents projets culturels, il est aujourd’hui en charge de la ligne éditoriale et de la programmation musicale de Check.