Nostalgique comme Nelick – Check

Nostalgique comme Nelick

10 mai 2020

Triple Sept

https://www.youtube.com/watch?v=F50tSB1YYzc

Joli sourire et douce mélodie, c’est comme ça qu’on pourrait présenter Nelick. Le jeune artiste, originaire du 94 a fait ses armes dans les open mics de la capitale. Après trois projet en 2018, et une année passée à travailler dans l’ombre en 2019, Kiwibunny, qui se présente de lui même comme un artiste de la nouvelle génération faisant de la musique “chill”, est de retour pour une année 2020 pleine de projets et d’envie. C’est autour d’un café qu’on a pu échanger sur sa vision de la réussite, son début de carrière et sa peur de grandir. 

Pour commencer, je voulais savoir comment on fait pour être aussi beau que toi ? Est-ce tu as des secrets à nous partager ?

En vrai c’est un truc qui se maintient tous les jours, il faut savoir qu’on est beau parce que si un jour tu te rends compte que tu es moche tu ne vas plus y croire. Faut y croire soi-même, ensuite il faut mettre de la crème quand tu sors de la douche pour pas avoir le visage trop sec, c’est important.

Il y a un gimmick que tu utilises beaucoup dans ta musique, c’est “Kiwibunny”, qu’est-ce que ça représente ?

Ça représente mon enfance, c’est un truc que j’aime beaucoup mettre en avant dans ma musique, cette époque où la vie était joyeuse et simple. Je voulais mettre ça sous un autre nom que Nelick, qui est le rappeur. C’est plus moi simplement en fait Kiwibunny, et Nelick l’artiste. 

Ça fait combien de temps que tu es dans la musique ?

Dans le rap ça fait 7 ans, après que je suis dans le monde de la musique, en tant que travail ça doit faire 2-3 ans.

Comment tu es tombé dedans ?

De base j’écoutais pas trop de rap, un jour mes potes sont partis en disant “ouais on va aller rapper”, et ils m’ont pas invité. Je comprenais pas donc j’ai essayé de leurs prouver qu’ils avaient tort, on a fait un freestyle qu’on a posté sur Dailymotion. Après ce jour j’ai commencé à écrire à droite à gauche, j’achetais des prods par sms genre 2 euros, je sais pas si tu te rappelles de ça. 

Tu viens du 94, c’est quoi ton premier rapport avec Paris ?

La première  fois ou je suis venu à Paris tout seul je devais avoir 14 ans, avant j’étais jamais sorti de ma banlieue, même de ma ville carrément. Après j’ai vécu un peu dans le 19ème chez mon père, mais je suis pas vraiment attaché à cette ville.

Comment s’est enchaîné ton arrivée dans la musique et la suite de tes études ? 

J’ai fait un DUT technique de commercialisation à l’IUT de Sceaux pendant deux ans et en gros la dernière année  (la troisième année parce que j’ai redoublé) j’avais ma tournée en même temps avec Lord Esperanza, donc j’allais en cours et le soir je prenais le train pour aller jouer à Clermont Ferrand par exemple. C’était le bordel mais une fois que j’ai eu mon diplôme j’ai pu me concentrer à plein temps dans la musique.

Lord Esperanza fait partie des personnes qui t’ont accompagnées dans ton début de carrière, comment vous vous êtes rencontrés ?

C’était il y a longtemps, genre 5 ans, c’était chez un pote qui faisait un freestyle sur une de ses prods. On s’est retrouvé dans la même session et on a commencé à parler, moi je cherchais trop des potes avec qui rapper parce que j’avais personne autour de moi. J’ai commencé à faire des open mics avec lui, il était grave dans la formation d’un groupe, à vouloir mettre des objectifs à ce qu’on était en train de faire, sortir une tape.

On se retrouve pour la sortie de ton dernier projet, qui est incarné par un personnage fictif: Piu Piu. Est-ce que tu peux nous le présenter ?

J’ai toujours voulu rajouter des personnes à l’univers enfantin que j’ai commencé à mettre en place depuis longtemps dans ma musique. J’ai voulu le rendre plus réel, plus visuel. Piu Piu c’est un des personnages de ce monde, c’est une forme de ce que je pourrais devenir, que je vais faire évoluer au fil de l’année, et des clips. C’est quelqu’un de très mégalo qui fait référence à ce que je fais, de la musique, lui il fait des bonbons pour rendre heureux les gens.

Il y a un côté très Charlie et la chocolaterie dans ce dernier projet, autour justement de la fabrication de bonbons. On comprend assez rapidement que y’a quelque chose de louche autour de ce personnage.

La musique, c’est une forme de drogue, il y a une demande et une offre. C’est un truc que tu consommes en soirée, quand tu es seul, ça peut te rendre heureux ou triste

Tu es quelqu’un qui cherche à fuir la réalité toi ? 

Je pense que je suis grave terre à terre dans la vie de tous les jours, je suis pas du tout quelqu’un qu’on peut qualifier de rêveur, mais dès que ça concerne la musique, je redeviens un enfant qui a besoin de raconter des histoires. Depuis le début je fais de la musique pour sortir les gens de leur quotidien, la plupart des gens ils n’aiment pas leur vie, leur taff, leur meuf… J’ai envie qu’ils stoppent le temps pendant quelques minutes. Je ne peux pas les aider, mais je peux leurs faire oublier le temps d’un morceau certains problèmes.

Il y a un gros travail de direction artistique autour de ce projet, c’est tes idées qui sont mises en images ou tu t’entoures de personnes qui t’aident là dedans ? 

Je m’entoure clairement de gens qui font entre guillemets ce que je leur demande, je sais que c’est pas ouf comme manière de bosser, mais en soit c’est galère de trouver des gens à qui faire pleinement confiance. Il y en a beaucoup qui veulent prouver des choses, et c’est totalement normal, mais moi j’essaye vraiment de tout gérer. Je trouve que ça manque beaucoup dans le rap français, une vraie identité visuelle, travaillée. Moi je veux qu’on puisse voir une de mes affiches de concert et que sans que je sois dessus les gens sachent que c’est moi, avec les couleurs etc… 

Il y a aussi un gros travail de production sur le projet, avec qui tu travailles tes morceaux ?

La plupart des gens avec qui je travaille, c’est des proches ou alors c’est des gens qui m’envoient des prods par mail. J’aime trop l’énergie des gens qui t’envoient 12 fois le même mail pour que t’écoutes ce qu’ils ont fait, souvent c’est nul mais je tombe de temps en temps sur des pépites. Ça me fait beaucoup plus kiffer de donner l’opportunité à un mec qui a encore rien sorti de concret, d’être placé sur mon projet que de faire des trucs avec les beatmakers en place, je vois pas vraiment l’intérêt.

https://www.youtube.com/watch?v=HCXt0tCPpDI

Tu as sorti 3 projet en 2018, et 0 en 2019. C’était important pour toi de te concentrer sur ton art ? 

C’était pas du tout voulu, déjà la Kiwibunnytape devait sortir plus d’un an avant. Je faisais plein de morceaux, j’avais plein de choses à dire, et surtout à chaque fois que je sortais quelque chose, rapidement je trouvais ça nul et j’avais envie de faire mieux. 2019, du coup j’ai rien sorti parce que j’avais besoin de prendre du temps pour savoir ce que je voulais vraiment faire. Et il y avait la tournée aussi, moi je suis pas quelqu’un qui écrit beaucoup. En tout cas c’était grave cool de faire une pause, ça fait du bien.

T’as réussi à prendre du temps pour toi pendant cette période ?

Ça serait mentir de te dire que j’ai 50 sons qui dorment sur mon ordinateur, j’ai pas fait tant de musique que ça, j’ai fait les morceaux que je voulais faire, jusqu’au bout. Ça m’a permis de pas trop me dissiper et de rester enfermé dans le délire que je voulais, mais là je commence un peu à culpabiliser de rien avoir sorti. En 2019 j’étais en panique tous les jours, j’avais trop peur que les gens s’intéressent plus à moi. Mais c’est une peur normale.

Tout à l’heure on parlait de visuel, niveau musicalité, j’ai vu sur le format “y’a quoi dans ton phone” de OKLM que tu écoutais presque que du rap américain ? Tu ne te reconnais pas trop dans ce qui se fait ici ?

Non, pas du tout. En fait quand je vois au States, j’ai l’impression qu’ils s’écoutent tous mais en France je kifferais écouter plein d’artistes et me sentir concerné, en plus j’essaye vraiment, je me tiens informé des sorties etc… Mais j’y arrive pas du tout, souvent je trouve la prod cool mais le reste ne me marque pas. Après, il y en a que je kiffe beaucoup, Makala par exemple, j’écoutais ça en venant ici. Hamza pareil, il a quelque chose à me dire. Après il y a beaucoup d’artistes dont je valide la démarche, mais que j’écoute pas forcément.

Qu’est ce qui t’a marqué artistiquement ces dernières années ?

Je sais que Tyler il m’a vraiment beaucoup marqué, j’adore les artistes qui font pas forcément que de la musique. Sinon je dirai Childish Gambino et Travis Scott.


Dieu sauve kiwibunny” 

De quoi il faut te sauver ?

À l’époque je venais de rencontrer mon premier succès j’avais peur de tout ça. Je me rappelle qu’on m’avait proposé un contrat à 2000 euros et j’étais comme un fou, j’avais appelé tous mes potes, jusqu’à ce que j’appelle Lord et qu’il m’explique que c’était rien et qu’il me fallait un manager. Ça m’a fait peur de ne pas comprendre ce qu’il se passait. Un jour j’ai raté un train pour partir en tournée, et j’ai rencontré un boug qui m’a parlé de la notion de Dieu, et ça m’a grave marqué. Cet album il parle surtout de ce que procure la réussite et toutes les galères que ça engendre.

Et est ce qu’aujourd’hui tu te sens sauvé ?

On va dire que c’est pas Dieu qui m’a sauvé, mais qu’il n’y a que moi qui peut le faire


“J’attends encore la musique qui me permettra de faire la diff j’vais pas te cacher que c’est dur d’y croire »

Comment tu gères tes doutes sur ta carrière ?

Je gère ça trop mal, je pense que je suis le plus mauvais. Moi je dis “ouais ça va péter c’est normal que ça prenne du temps” comme tout le monde mais je me frustre trop rapidement. Dès que j’arrive plus à écrire je me dis que je vais abandonner la musique et que je veux faire autre chose de ma vie, jusqu’à écrire un texte dans lequel je trouve que je suis chaud. En vrai je suis trop bien entouré, j’ai trop de gens importants autour de moi et ils savent où je veux aller, c’est eux qui me rappellent le chemin que j’ai parcouru. Souvent je les appelle juste pour les entendre me le dire. Sinon j’essaye de ne pas m’enfermer dans le rap, là par exemple j’essaye d’écrire un dessin animé, de mettre en place un Piou Piou Show, d’écrire un film etc… J’essaye de m’intéresser à un maximum de chose.


T’aimes celui que je ne suis plus

Est ce que tu penses que la gestion de ta carrière impacte tes relations personnelles ?

C’est vrai que c’est pas facile. Moi ça m’est arrivé de frustrer la personne avec qui j’étais parce que justement, j’arrivais pas forcément à lui laisser de la place dans mon quotidien d’artiste. 

Tu construis un univers très enfantin, est-ce que ça te fait peur de grandir ?

Je suis complètement nostalgique, j’ai beaucoup de mal à me dire qu’il y a du bon dans le futur.

C’est grandir ou le monde qui évolue qui te fait peur ?

C’est tout. Parfois j’aimerai juste mettre pause et rester bloqué à cette époque, voir même revenir en arrière. L’époque où on ne se posait pas de question me manque, plus je grandis plus j’ai des problèmes et ça casse les couilles les problèmes. 

Oui, mais plus tu grandis plus tu es amené à faire des choses concrètes de ta vie.

Je comprends, mais moi je suis plus dans le délire d’être heureux. Maintenant je me suis mis dans une position où mon bonheur résulte de ce que je fais dans la musique, donc je me suis mis dans un bourbier sans le vouloir. Mais sinon mon but dans la vie depuis mes 15/16 ans, mon voeu à chaque anniversaire, c’est d’être heureux. Je sais que si je suis heureux, ça veut dire que tout va bien autour de moi, et que toutes les personnes autour de moi vont bien.


“Je me demande si je fais tout ça pour qu’on m’aime, pour l’oseille ou si seulement c’est mon rêve ?”

C’est un truc que tu traines depuis tout petit de vouloir être sur le devant de la scène ?

Depuis mes premiers open mics, quand je voyais des artistes comme Nekfeu et tout l’Entourage réussir, ça m’a vraiment boosté. En soit je pense que tout le monde kifferais, mais je pense que je voulais kiffer plus que d’autres le fait d’être mis en avant. Je voulais vraiment être sur scène et mener cette vie là. C’était mon rêve de base, même si aujourd’hui je l’ai perdu de vue, parce que je pense avoir accompli tout ce dont je rêvais au début, quand j’ai commencé la musique. C’est pour ça que j’essaye de trouver quoi faire maintenant.


“Flash parazazzi je brille, est ce que c’est ça le paradis ?”

C’est quoi justement ta définition du succès, ton but, le moment où tu pourra dire que tu as réussi ?

Je pense que tu n’as jamais vraiment réussi, quand tu te donnes un objectif, que tu le fais, et que tu repenses à ce que tu as fait, tu tombes dans la nostalgie. Il faut tout le temps avoir des ambitions qui évoluent. Ma vision du paradis c’est de réussir justement à toujours trouver de nouveaux challenges, toute ma vie. Je n’ai jamais fait des sons comme ça juste pour le délire. Tous les morceaux que j’ai fait, je les mettais dans un dossier “album”, “Kiwibunnytape vol10” etc… J’avais toujours des playlists pour croire en ce projet et qu’il me fasse vivre. Ma vision de la réussite c’est avoir toujours plus de projet, et encore plus l’envie de réussir, n’importe quand. Je pense que c’est ça, sinon je pourrai jamais me dire que j’ai réussi. 

Triple Sept

Quand il ne met pas à jour sa belle playlist ("La Ligne 12"), Tim alias le Triple Sept ou 777 fait de la vidéo et des articles de qualité pour Check.